interview Comics

Elsa Charretier & Pierrick Colinet

©Wanga Comics édition 2013

Le monde des french comics est en pleine ébullition ces derniers mois avec la multiplication de séries et ce, dans des genres multiples. Æternum Vale est le premier album d'un duo d'auteurs débutant dans le médium. Elsa Charretier s'occupe des dessins et Pierrick Colinet du scénario. Ensemble, ils ont façonné un récit ambitieux et intrigant qui a su attirer notre regard quelques semaines avant la sortie du dit projet. Pré-publiée sur la page Facebook de Planete Comics durant le mois d'octobre, vous pouvez désormais retrouver l'intégralité de nos questions et de leurs réponses sur notre site. Voici donc un contenu instructif qui viendra vous donner un peu plus l'envie de vous aventurer dans l'histoire d'Æternum Vale.

Réalisée en lien avec l'album Æternum Vale
Lieu de l'interview : Le cyber espace / Facebook

interview menée
par
15 novembre 2013

Bonjour Pierrick Colinet et Elsa Charretier, pouvez-vous présenter ?
Elsa Charretier : Bonjour Mickaël. Tout simplement, je suis illustratrice et passionnée de comics. Æternum Vale est mon troisième projet avec Pierrick et le premier publié.
Pierrick Colinet : Bonjour Mickaël. Je suis scénariste depuis quelques années mais j'écris des comics depuis peu. J'ai découvert cette manière de raconter des histoires sur le tard et au final c'est celle qui me convient le mieux.

deathdealer Pouvez-nous présenter Aeternum Vale et nous dire comment ce projet est né ?
Pierrick Colinet : Æternum Vale est certainement l'histoire qui m'est venue le plus facilement. Tout est parti d'une photo que j'ai prise alors que je me baladais dans ma ville natale, Pernes les Fontaines. De cette photo est sortie un dialogue, sur lequel sont venus se greffer les deux personnages principaux Victor et Bleach. Avec eux sont apparus leurs passés et leurs ambitions. Æternum Vale part d'une idée simple : prenez le Dr Frankenstein et donnez lui des ressources illimitées et des moyens techniques pour fabriquer à la chaîne des centaines de milliers de créatures. Si en plus son talent est récupéré par un Empereur névrosé comme Napoléon, ça ne peut que mal tourner. Notre histoire parle de gloire, d'obsession du pouvoir ou encore de filiation. Ces thèmes là m'ont toujours fasciné.

Quelles sont vos références ?
Pierrick Colinet : Je ne pense être très original en disant Alan Moore mais soit ! C'est lui qui est à l'origine de ma passion pour les comics et c'est aussi lui qui m'a donné l'envie d'en écrire. J'admire par dessus tout cette manière qu'il a d’absolument tout travailler dans le détail. Il ne laisse pas de place au hasard et le moindre dialogue, la moindre action, aura une résonance dans la suite de son récit. Il sait aussi manier le tempo comme personne. Il n'y a qu'à voir comment il fait monter la tension dans Watchmen ou V pour vendetta. Il n'y a pas plus épique. Ajoutez à ça des thèmes forts et ses histoires atteignent, pour moi, la perfection. En second, je pense à Robert Kirkman et The Walking Dead. Il y a quelque chose d'unique dans cette série, quelque chose qui m'a beaucoup inspiré pour Æternum Vale. C'est tout simplement le fait de se dire que personne n'est à l’abri de rien. Même pas les personnages principaux de l'histoire. C'est insupportable de voir tous ces héros increvables, qui prennent des coups mais qui à la fin s'en sortent toujours.
labyrinth Elsa Charretier : Côté comics, le travail de Yanick Paquette et de Charlie Adlard m'a énormément influencé. Ils ont des styles très différents mais maîtrisent tous les deux parfaitement la lumière. J'aime la précision de Yanick, dans les encrages et dans les attitudes de ses personnages. J'ai eu la chance d'avoir un entretien de quelques heures avec lui il y a quelques mois, et on discutait justement de ça. Vous n'imaginez pas à quel point il réfléchit ses cases... D'ailleurs, il le dit lui-même, c'est un vrai maniaque de la lumière. Charlie a un don unique pour transmettre des émotions le plus simplement possible, avec très peu de traits. Son but ultime est d'arriver à éliminer le maximum de traits, pour ne garder que l'essence pure. J'admire ça, moi qui ne peut pas m'empêcher d'ajouter des détails de partout ! Et tous les deux ont une qualité en commun : l'envie de transmettre, et de guider les jeunes artistes.

Ce titre sort chez Wanga comics dans un format album et non revue comme d'habitude. Est-ce que ça a influencé la narration ?
Pierrick Colinet : Pas du tout. Quand j'ai proposé le concept d'Æternum Vale à Anthony Dugenest, j'avais en tête de réaliser cette histoire en 4 épisodes de 22 pages type revue. C'est après avoir lu le synopsis qu'il m'a proposé de plutôt le faire sous forme d'un album cartonné. Sur le coup j'étais un peu déçu, mais je me suis vite laissé convaincre par les beaux albums déjà produits par Wanga. Donc au final, j'ai travaillé mon histoire comme un vrai comics, comme un arc en quatre numéros. Ça sera donc au lecteur de choisir si il préfère lire l'album en une fois ou si il préfère attendre entre chaque chapitre et laisser agir les cliffhangers. ;)

deathdealer Pierrick, pour ce premier récit, as-tu bénéficié de conseils avisés de scénaristes chevronnés ?
Pierrick Colinet : Pas directement pour cette histoire mais quand j'ai commencé à écrire pour la bande dessinée j'ai reçu de très bons conseils qui m'ont vraiment marqué. Le premier est venu de Thierry Mornet. Il m'a appris à être patient et à ne jamais baisser les bras. Si un projet échoue, on passe au suivant, si celui-ci échoue encore, on continue, on continue jusqu'à ce que ça fonctionne. Il y a eu ensuite Yannick Lejeune. Je me souviendrai toujours du gigantesque mail qu'il m'a envoyé quand je lui ai transmis mon premier projet BD. Il m'a vraiment aidé à organiser ma manière d'écrire. En fait, il m'a fait comprendre que j'écrivais mal mes personnages. Pour moi ils étaient des pions, des prétextes pour faire avancer mon histoire ou pour faire passer une idée. De cette manière, il est pratiquement impossible d'avoir de l'empathie pour eux et ça c'est la pire chose qu'on puisse faire dans une BD. Sans ses conseils, je n'aurais jamais pu écrire Æternum Vale de cette manière, où les personnages sont au centre de tout. Et pour finir, je pense à Davy Mourier. Davy a vrai un sens du rythme quand il écrit qui lui vient sûrement de son talent pour la comédie. Et en même temps, il y a toujours un voile de mélancolie dans ses récits. C'est certainement ces conseils là que j'ai retenu, jouer sur les nuances et surtout bien poser son cadre au début d'une scène.

Elsa, ça a t-il été difficile de laisser la colorisation à Bryan Weinstein ? labyrinth
Elsa Charretier : Au contraire ! Æternum Vale étant mon premier comics, j'étais très excitée à l'idée de voir les planches colorisées. J'avais jusque là travaillé seule, en noir et blanc, et le travail de Bryan a apporté une dimension différente, un encrage dans la réalité. J'ai toujours considéré la colorisation comme un art à part entière, qui a une importance majeure dans la qualité d'une bd, alors j'ai laissé Bryan exercer sa magie ;)

Avez-vous prévu une suite à Aeternum Vale ?
Elsa Charretier : Je ne sais pas ce que l'avenir nous réserve, mais je sais que Victor et Bleach me manquent déjà... Alors si une suite se profile, je serais ravie d'y participer !
Pierrick Colinet : J'ai déjà quelques pistes. ;) Il y a tellement de choses à faire vivre à ces personnages, tellement !

Si vous aviez le pouvoir métaphysique de visiter le crâne d'un autre auteur pour en comprendre le génie, qui choisiriez-vous ?
Elsa Charretier : Sans hésitation, Marco Rudy. Au delà de ses qualités techniques évidentes (ce type colorise carrément ses planches avec du thé), c'est un incroyable artiste, au sens strict du terme. Il a besoin de s'exprimer à travers ses dessins, et il cherche toute les techniques possibles et imaginables pour y parvenir. A la lecture de son Spider-Man, ça m'a heurté comme jamais... Tout est possible ! On peut tout faire, mélanger tous les styles, charger des cases à bloc, mixer les types d'encrages, et même inventer de nouvelles techniques... Si tu as une vision claire de ce que tu souhaites, tout peut marcher. Marco fait partie de ces gens qui me donnent envie de me lever et de me mettre à ma planche à dessin. C'est un vrai moteur.
Pierrick Colinet : Le premier nom qui me vient est Vince Gilligan. Je n'ai jamais été bouleversé comme je l'ai été en regardant Breaking Bad ! Quand on est scénariste, regarder cette série est une vrai source d'angoisse parce qu'on sait qu'on écrira jamais quelque chose de ce niveau là. Si j'étais dans sa tête je pourrais percer son secret pour écrire de tels personnages et surtout cette manière magique d'écrire le silence. Parce qu'il est vraiment question de ça dans Breaking Bad. Comment raconter plus de choses en quelque secondes de regards échangés qu'en une longue tirade. Dans la même veine, il se permet de prendre son temps, de laisser durer une action, de la montrer dans son entièreté. Si quelqu'un d'autre faisait ça, ça serait chiant à mourir !

Merci beaucoup tous les deux !

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