interview Manga

KIM Byung Jin

©Ki-oon édition 2013

Au début des années 2000, beaucoup d’auteurs coréens n'avaient pas encore le niveau de leurs homologues japonais, à quelques exceptions près. C'était le cas de KIM Byung-Jin, le dessinateur de la série Chonchu (chez feu Tokebi), qui montrait un trait original et extrêmement soigné. Depuis, il n'a cessé de gagner en popularité et a même collaboré avec un scénariste japonais sur Jackals. Aujourd'hui, KIM Byung-Jin est de retour sur Warlord, un récit guerrier et spectaculaire où le dessin de l'artiste est toujours aussi convaincant. Après autant d'années dans le manhwa, rencontrer un tel illustrateur devenait vite inévitable !

Réalisée en lien avec les albums Warlord T5, Warlord T4, Warlord T3, Warlord T2, Warlord T1, Jackals T1
Lieu de l'interview : Japan Expo 2013

interview menée
par
3 décembre 2013

Sur Internet, la rumeur dit que vous avez débuté votre carrière à 16 ans avec une nouvelle parue dans le magazine de prépublication coréen Base Camp et intitulée Les 40 personnes, dont le titre original serait donc en français. Est-ce vrai, et si oui, pourquoi ce premier titre en français ? D’une manière générale, comment s’est faite votre entrée dans le monde du manhwa ?
Kim Byung Jin : Non, en fait, ceci n’est qu’une rumeur. Le dessin a toujours fait partie de ma vie. C’est là où j’étais le plus doué et c’est ce qui m’amusait le plus. Après l’adolescence, je me suis rendu compte que c’était le métier qui m’attirait le plus pour me sentir passionné et éprouver un sentiment de plénitude. Ce qui a vraiment lancé ma carrière, c’était au début des années 90 en remportant un prix de la maison d’édition Daewon C.I.


KIM Byung-Jin Warlord dedicace
Dessin de KIM Byung-Jin : Arasol de la série Warlord

En France, on vous a découvert avec Chonchu. Quel regard avez-vous aujourd’hui sur votre première série ?
Kim Byung Jin : Un seul mot : un grand regret, car je n’ai jamais pu terminer la série. C’est quelque chose qui m’est toujours resté dans la tête et c’est ce qui m’a poussé finalement à m’atteler à Warlord. C’est une façon indirecte de raconter la suite, ou plutôt le tout début de Chonchu.

Chonchu s’arrête effectivement comme une fin de cycle, et vous aviez stoppé la série pour réaliser l'adaptation de Final Fantasy XI, arrêtée elle aussi un an après. Après coup, avez-vous d’autant plus un regret de n'avoir pas poursuivi Chonchu que c’était pour vous lancer dans ce projet qui n’a finalement pas fonctionné ?
Kim Byung Jin : Ce qui est fait est fait, c’est le passé. Ce n’est pas dans mes habitudes de ressasser les événements passés, mais j’admets que ça reste une douleur dans mon cœur.

Ensuite, votre nom est réapparu, non pas sur un manhwa mais un manga avec Jackals ! Que pensez-vous de cette expérience avec un scénariste japonais ?
Kim Byung Jin : Jackals est l’œuvre originale d’un artiste japonais qui s’appelle Murata, et en l’occurrence tout était donc déjà prêt quand je suis arrivé sur le projet. Tout ce qu’on me demandait de faire, c’était la partie dessins et éventuellement le design des personnages et des armes. J’estime donc que mon rôle dans cette série était de mettre en valeur le travail de l’artiste originel.

Ex-libris Warlord KIM Byung-Jin Votre dernière actualité se nomme Warlord. Sur cette série, vous travaillez à nouveau avec le scénariste de Chonchu. Comment présenteriez-vous la série ?
Kim Byung Jin : Depuis le départ, Warlord a été conçue comme une histoire qui pourrait susciter l’empathie des gens de tous les pays, en visant donc un marché international. Le thème central reste le choc des cultures, notamment orientale et occidentale. C’est une série qui fait la part belle à une certaine tradition de cape et d’épée à l’asiatique. Pour les gens qui ne connaissent pas, cela peut être très attirant et exotique. C’est une série qui a vraiment été travaillée en faisant la part belle à la qualité, au récit épique, sans oublier pour autant les éléments de fantasy.



Ci-dessus : ex-libris Warlord distribué lors de la dédicace de KIM Byung-Jin à la Fnac



Les premiers tomes sont très spectaculaires, à quoi peut-on s'attendre par la suite, un rythme toujours aussi effréné ?
Kim Byung Jin : Effectivement, les trois premiers tomes mettaient en avant l’action musclée et spectaculaire. A partir de là, ce qui attend à partir du tome 4 est l’apparition des Ryongs, qui représentent une caste supérieure du peuple démon. C’est donc un autre univers qui s’ouvre, et on détaille plus les conflits psychologiques des personnages, avec des éléments dramatiques également.

Pour la conception de l’histoire de Warlord, travaillez-vous avec le scénariste ou bien est-il totalement indépendant pour son histoire ?
Kim Byung Jin : Non, en fait c’est vraiment un travail d’équipe. Je suis à l’origine du projet, donc je m’implique énormément dans le scénario, mais je tiens vraiment à préciser que Warlord n’est pas un travail en binôme, mais un travail à quatre. Il y a aussi monsieur Park, mon éditeur qui me suit partout, et ma femme qui est aussi ma plus proche collaboratrice, donc je conçois cette série comme un travail d’équipe.

Ex-libris Warlord KIM Byung-Jin Quel est le déroulement type de la fabrication d’un chapitre de bout en bout ?
Kim Byung Jin : Quand j’écris un chapitre, il y a d’abord le scénario qui est écrit par KIM Sung Jae, et ensuite nous faisons une lecture à quatre avec monsieur Park et ma femme. C’est une sorte de brainstorming où chacun fait des suggestions dont on vérifie si elles sont vraiment pertinentes par rapport à l’histoire. Une fois que cela est validé, je passe au dessin, c’est-à-dire les esquisses et le travail à l’ordinateur. Au total, la création d’un chapitre demande 11 à 13 jours de travail, sachant que le bouclage à lieu 2 fois par mois.

Avez-vous des assistants pour vous aider sur le dessin ?
Kim Byung Jin : Non, pour la partie dessin je travaille uniquement avec ma femme.

Ci-dessus : ex-libris Warlord distribué lors des dédicaces de KIM Byung-Jin à Japan Expo



Avec autant de travail, avez-vous encore le temps de lire des mangas, manhwas, comics, voire même des BD européennes ?
Kim Byung Jin : Plus jeune, c’était vraiment mon passe-temps favori, mais aujourd’hui non seulement je n’ai plus le temps, mais en plus, à présent que c’est devenu mon métier, il y a une petite gêne tout de même à lire sans arrière-pensées.

Et de vos années de jeunesse, lorsque vous n’étiez pas encore professionnel, quelle est l’œuvre qui vous a marqué le plus ?
Kim Byung Jin : ll y a trop de titres, donc je ne pourrai pas tout vous citer, mais il y a un film d’animation qui reste le plus grand choc de ma vie, c’est Le chien des Flandres.

Si vous aviez le pouvoir de visiter le crâne d'un autre artiste pour comprendre son génie ou lui piquer des techniques par exemple, vivant ou mort, qui choisiriez-vous et pourquoi ?
Kim Byung Jin : J’adore cette question ! Il y en a tellement que j’hésite... (Il réfléchit). Il y en a tellement, mais puisqu’il ne faut choisir qu’un seul artiste, ce serait le peintre KIM Hong-do, de la dynastie Joseon. C’est un monument de la peinture classique coréenne. Ah ! Et c’est mon ancêtre ! (rires)

Le dessin, c’est de famille alors...
Kim Byung Jin : Oui. En toute modestie, mon grand frère aussi était très doué en dessin, et c’est lui qui ramenait tout plein de manhwas à la maison. Dans la famille, on est manuel ou doué en dessin... Quant à mon ancêtre, j’aimerais rentrer dans sa tête pour voir à travers ses yeux : pourquoi il regardait ou traitait les choses de telle ou telle façon...


Merci !


KIM Byung-Jin Warlord dedicace
Dessin de KIM Byung-Jin : un Lord de la série Warlord




Merci à Kette Amoruzo pour la traduction et à Mickaël Géreaume pour les questions


Toutes les illustrations de l'article sont ©KIM Byung Jin, DAEWON C.I. Inc.
Toutes les photos de l'article sont ©Nicolas Demay