interview Manga

Takuto Kashiki

©Komikku éditions édition 2015

En signant sa première série, Minuscule, Takuto Kashiki, mangaka débutant, réussit d’emblée un coup de maître en proposant un joli titre aux accents de contes pour enfants soutenu par des graphismes somptueux. L’histoire est celle de Hakumei et Mikochi, deux petits bouts de femmes de 9 cm vivant dans la forêt. Leurs aventures oscillent entre de simples mais rafraichissantes tranches de vie et des événements fantastiques qui semblent pourtant très naturels, le tout dans une atmosphère empreinte de douceur et de bonne humeur. Présent au Salon du Livre de Paris, Takuto Kashiki nous en a dit plus sur son titre enchanteur...

Réalisée en lien avec l'album Minuscule T1
Lieu de l'interview : Salon du livre de Paris

interview menée
par
13 mai 2015

Pouvez-vous vous présenter brièvement et nous dire comment vous êtes devenu mangaka ?
Takuto Kashiki : J’ai fait mes études dans une université spécialisée dans le manga. Déjà, lorsque j’étais étudiant, je dessinais dans des fanzines. Après la fin de mes études, je suis monté à Tokyo où je continuais à travailler dans des fanzines. C’est là que j’ai été repéré par madame Morioka, qui plus tard allait devenir mon éditrice. Au début, elle m’a demandé de dessiner trois histoires courtes one-shot, dont une qui allait devenir plus tard le premier chapitre de Minuscule. Comme ce manga a eu beaucoup de succès, on en a fait une série.


Takuto Kashiki Minuscule dessin

Avez-vous, comme beaucoup de mangakas, commencé comme assistant d’un autre auteur ?
Takuto Kashiki : J’ai effectivement travaillé comme assistant, mais pour une période très courte. Je n’ai jamais été l’assistant attitré de quelqu’un. C’était juste pour donner un coup de main de façon très ponctuelle.


Quels sont les mangakas ou les mangas qui vous ont influencés dans votre jeunesse et vous ont donné envie de faire ce métier ?
Takuto Kashiki : Il y en a un, qui en japonais s’appelle Dôbutsu no Oisha-san, de Noriko Sasaki, « Le médecin des animaux », je ne sais pas si ça a été traduit en France (NDR : série en 12 volumes de 1988, non traduite). Mais évidemment, il y a aussi plus classiquement des séries comme Dragon ball et autres...


Takuto Kashiki Minuscule planche Pouvez-vous nous présenter Minuscule ?
Takuto Kashiki : C’est un manga qui est facile d’accès et qui raconte l’histoire de deux petits personnages de 9 centimètres qui habitent dans la forêt et qui vont se balader ou participer à des événements culturels qui se déroulent dans leur propre univers. Je pense que c’est un manga frais et agréable à lire, dans lequel vous allez découvrir un autre univers et que vous pourrez lire plusieurs fois sans vous lasser.


D’où est venue l’idée de cette histoire ?
Takuto Kashiki : Quand j’étais petit, j’adorais lire des livres qui racontaient des histoires de petites souris ou de lutins, de personnages de petite taille. Comme j’adorais ça, j’ai toujours voulu faire la même chose. Ce sont ces livres et ces univers qui m’ont beaucoup influencé.


A qui se destine ce manga au Japon ? Aux enfants, à toute la famille… ?
Takuto Kashiki : Je n’ai volontairement pas voulu cibler une tranche d’âge en particulier. Je reçois beaucoup de courriers de la part de gens qui sont dans la moitié de leur vingtaine, mais j’en reçois aussi beaucoup d’élèves de primaires ou de personnes âgées, donc je pense que c’est un public vraiment très large qui me suit.


Comme ces œuvres qui vont ont donné envie de faire Minuscule, comptez-vous un jour réaliser une version de cette histoire en livre pour enfants ?
Takuto Kashiki : C’est une idée qui ne m’avait jamais effleuré l’esprit car je me sens le plus à l’aise dans la réalisation de manga, mais si on me le propose, je ne dirai pas non. Mais sinon disons que je ne le ferais pas de moi-même.


Takuto Kashiki Minuscule illustration

Avez-vous des également des inspirations comme le film d’animation Arrietty du studio Ghibli ou encore le peuple des lutins kokkiri de l’univers des jeux vidéo Zelda ?
Takuto Kashiki : Non, je pense que ma plus grosse influence vient vraiment de ces livres que j’ai lus étant petit et qui ont marqué mon enfance. Arrietty et Zelda sont des choses que j’ai connues après, une fois devenu grand. Je ne peux pas dire que ces œuvres m’ont influencé, mais il y a peut-être des choses que, visuellement, j’ai pu récupérer, consciemment ou pas.


L’univers de Minuscule est très original. D’où viennent les idées pour chacun des chapitres, ainsi que pour tous les petits détails, les éléments hors du commun qui composent cet univers ?
Takuto Kashiki : Takuto Kashiki Tout n’est pas décidé dès le départ. Au début de la série, j’ai quand même posé les éléments de ce que je pourrais pompeusement appeler « l’univers culturel », et puis l’urbanisme, ce genre de choses. Tout cela était posé dès le départ mais, à part cette base, tous les petits détails viennent au fur et à mesure des nécessités. Par exemple, si je veux faire voyager les personnages dans la forêt ou dans la montagne, je me renseigne, je me documente pour essayer de voir ce que je pourrais ajouter comme élément dans ce petit univers. Pour les idées des chapitres, rien n’est décidé non plus, cela vient au fur et à mesure lors des discussions avec mon éditrice.


L’aspect fantastique du récit s’intègre de façon très naturelle dans l’histoire, comme si ce n’était justement pas extraordinaire. Est-ce une démarche volontaire ou cela s’est-il fait tout seul ?
Takuto Kashiki : Je suis content que vous ayez remarqué, car justement je fais tout pour que toutes ces choses fantastiques s’intègrent naturellement dans l’histoire. Pour ce qui est de réussir à donner cette impression, il s’agit tout simplement de faire bien attention à tout décrire à travers les yeux des personnages, c’est comme cela qu’on arrive à intégrer ces éléments extraordinaires comme s’ils étaient normaux.


Comptez-vous continuer la série sur ce modèle de chapitres « tranches de vie » plus ou moins indépendants les uns des autres ou allez-vous par la suite développer des histoires sur plusieurs chapitres, voire sur un volume entier ?
Takuto Kashiki : Dans le premier tome, chaque chapitre raconte une histoire, mais dans les suivants, les volumes 2 et 3 qui sont déjà sortis au Japon, vous verrez qu’il y a des histoires qui se passent sur plusieurs chapitres. Cela pourra encore arriver par la suite, mais ce ne deviendra jamais une histoire totalement linéaire.


Takuto Kashiki Minuscule illustration

Avez-vous des messages qui vous voudriez faire passer avec ce manga, sur la nature ou sur une façon de vivre plus proche de la nature par exemple ?
Takuto Kashiki : Non, je n’avais pas ce genre de messages à faire passer en créant Minuscule. Ce que je voulais vraiment, c’est que les lecteurs puissent devenir un peu comme mes personnages, c’est-à-dire puissent toujours trouver des petits plaisirs dans leur vie quotidienne. Si j’avais vraiment un message à faire passer à mes lecteurs, ce serait cela : essayez de toujours trouver des petits riens qui vous feront plaisir pour rendre la vie quotidienne plus agréable et que cela ne soit pas juste un train-train.


Vos planches sont très fournies. Combien de temps passez-vous sur chacune d’elles ? Travaillez-vous avec des assistants ? Quel est votre rythme de travail pour un chapitre ? Takuto Kashiki minuscule planche
Takuto Kashiki : Cela dépend des pages. Quand c’est vraiment très fourni, je peux mettre une journée entière pour dessiner une planche, sinon quand cela va plus vite, cela peut être deux ou trois planches par jour. J’ai un assistant mais il ne touche pas aux dessins, que je réalise entièrement moi-même. Il ne s’occupe que de placer les trames, et également lorsqu’il y a des perspectives, c’est lui qui s’occupe des lignes de fuite. Pour réaliser un chapitre complet, tout commence avec mon éditrice avec qui l’on décide du scénario. Pour faire le scénario, cela prend à peu près une semaine, puis pour le dessin, cela prend entre deux semaines et vingt jours pour 26 pages en moyenne.


Comment avez-vous développé votre style de dessin personnel ?
Takuto Kashiki : Globalement, mon style a toujours été comme cela, j’ai toujours dessiné ce genre de personnage, mais j’ai évidemment dû m’adapter pour l’univers de Minuscule. Comme je le disais tout à l’heure, je voulais que les lecteurs puissent sentir, aient l’impression de toucher aux feuilles, avoir une expérience sensorielle en lisant le manga. J’ai dû m’adapter pour dessiner les choses de façon plus réaliste, et comme mes personnages sont tout petits, j’ai dû apprendre à tout dessiner par en dessous. J’ai dû faire quelques adaptations techniques pour m’adapter à l’histoire de Minuscule mais sinon on peut dire que c’est mon style.


Si vous aviez le pouvoir de visiter l’esprit d'un autre artiste pour par exemple comprendre son génie ou bien lui piquer des techniques de dessin ou autre, qui choisiriez-vous et pourquoi ?
Takuto Kashiki : Je n’ai pas particulièrement envie de rentrer dans la tête d’autres mangakas parce que j’aime bien mon style, cela me plaît et me suffit. Par contre, j’aime beaucoup la musique et surtout je suis très fan d’un chanteur rock qui s’appelle Kazuya Yoshii, et donc j’aimerais entrer dans sa tête si je le pouvais. Ce serait vraiment le plaisir d’entrer dans sa tête pour entendre sa voix, c’est tout, ça suffirait vraiment à mon bonheur.


Merci !


Takuto Kashiki minuscule dédicace




Merci à Ryoko Akiyama pour la traduction et aux éditions Komikku
Merci à Faustine LILLAZ pour certaines questions

Toutes les illustrations de l'article sont © 2013 Takuto Kashiki / PUBLISHED BY KADOKAWA CORPORATION ENTERBRAIN