interview Comics

Whilce Portacio

©Panini Comics édition 2014

Véritable star des comics dans les années 80 et 90, Whilce Portacio est l'un des artistes qui a participé à la création d'Image Comics en compagnie de Todd McFarlane et d'autres. Malheureusement, victime d'un coma diabétique en 2000, il n'est jamais parvenu à retrouver sa productivité passée. De temps à autre, l'artiste philippin repointe le bout de son nez le temps de quelques épisodes de Spawn ou d'Hulk. Toujours très proche de ses fans, notamment en convention, il a accepté de prendre quelques minutes de son temps pour répondre à nos questions. Une interview où le créateur de Bishop (que l'on a pu voir au cinéma dans le film X-Men Days of future past incarner par le frenchy Omar Sy) évoque avec optimisme le monde des comics dans lequel il évolue depuis si longtemps.

Réalisée en lien avec les albums Deadpool Corps, Deadpool Corps
Lieu de l'interview : Le cyber espace

interview menée
par
28 septembre 2014

Peux­-tu te présenter et nous dire comment tu en es arrivé à faire de la bande dessinée ?
Whilce Portacio : Salut, mon nom est Whilce Portacio, et il y a trente ans, j'ai commencé à dessiner des comics de super-héros pour Marvel. A l'époque, j'ai apporté mon portfolio au San Diego Comic Con et c'est comme ça que j'ai décroché mon premier job qui était d'encrer les illustrations de Art Adams sur Longshot. J'ai continué en faisant d'autres travaux d'encrage puis j'ai commencé à illustrer le Punisher. Depuis, j'ai fait des illustrations pour un bon nombre de compagnies et de nombreux titres comme Hulk, X-Men, Iron Man, Spawn, Wetworks, Darkness et autres... J'ai aussi créé le personnage de Bishop, dans X-Men, avec mon camarade Karl Altstaetter...

Comment décrirais-tu le style Whilce Portacio ?
Whilce Portacio : Mon travail se base essentiellement sur l'usage de différents niveaux d'ombres. J'adore l'anatomie et les éclairages. En fait, j'aime beaucoup la peinture et, par conséquent, ce que je fais pour les comics est la traduction de ma peinture en crayonné et encrage. J'ai été très influencé par l'esthétique japonaise, l'imagination phénoménale de Jack Kirby et aussi par les velléités réalistes de Neal Adams.

Peux-tu nous dire comment tu procèdes pour créer une planche de dessin ? Est-ce que tu effectue un type de tracé particulier, par exemple ?
Whilce Portacio : Je commence par une mise en page générale de la planche et des différentes formes au sein de celle-ci, le tout à l'aide d'un crayon 2B. Je passe beaucoup de temps sur cette étape de manière à avoir un tracé quasiment complet et le plus parfait possible des silhouettes et des visages. Ce tracé me convient dès lors que chaque silhouette est presque parfaite, anatomiquement parlant. Je prends alors un pinceau japonais fin et j'applique mes noirs, mes ombres et les différentes profondeurs. Cela me permet de définir mes éclairages; leurs intensités mais aussi leurs directions. Ensuite, avec un stylo fin, je définis les détails et les rendus de gris. L'anatomie des personnages étant complètement définie, je n'ai plus qu'à me concentrer sur les ombres et les lumières. Enfin, je termine avec le nécessaire en termes de textures ou de renforts de lignes.

Quelles ont été tes influences ?
Whilce Portacio : Jack Kirby m'a appris le pouvoir de l'imagination et comment dessiner de manière minimaliste, en illustrant juste ce qu'il faut au cerveau pour reconnaître les différentes formes. Neal Adams, lui, m'a appris comment dessiner proprement et intelligemment ainsi que l'anatomie...

Quel est le personnage sur lequel tu as préféré travailler ?
Whilce Portacio : Créer Bishop a été le summum. J'avais déjà créé de nombreux vilains ainsi que d'autres personnages mais là, c'était la première fois que je pouvais créer un personnage qui avait une chance de devenir populaire. Et, avec Karl, on a pu collaborer de manière à pouvoir proposer, après seulement 24h, quelque chose d'adéquat à Marvel.

En 1992, avec d'autres artistes, tu as co-fondé Image Comics. A ce moment-là, craignais-tu un échec ?
Whilce Portacio : Quand on est jeune, talentueux et qu'on arrive à impressionner les éditeurs, on a tendance à devenir arrogant. On a l'impression de pouvoir tout faire. Par conséquent non, il n'y avait pas d'appréhension. Il nous arrivait tellement de choses en si peu de temps qu'aucun de nous ne se demandait si tout ça était bon ou pas. On a vu une brèche et on s'est jetés dedans. Si ça n'avait pas marché, on aurait cherché autre chose à faire. On était de jeunes Superboys cherchant à faire impression.

Ces dernières années, tu t'es montré moins productif qu'auparavant, pourquoi ?
Whilce Portacio : Après mon coma diabétique, en 2000, je me suis levé sans sentir de réelle différence. Mais aujourd'hui, je me rends compte que j'ai perdu la capacité à m'asseoir et à me concentrer sur une tâche pendant un certain temps.

En France, on a pu récemment voir tes illustrations dans Indestructible Hulk écrit par Jason Aaron. Que penses-tu de cette série ?
Whilce Portacio : J'adore les personnages qui peuvent se dépasser eux-mêmes. Les titres où les éditeurs nous laissent sortir des sentiers battus et, plus important encore, nous laissent mener nos idées à leur terme, en harmonie avec la narration et la conclusion de l'histoire. Avec Hulk, j'ai eu l'opportunité d’illustrer toute la palette émotionnelle du personnage... J'adore les titres et les personnages de ce genre...

Si je ne me trompe pas, ta dernière série en date est Non-Humans. Cette série n'est pas encore sortie en France. Peux-tu nous dire de quoi ça parle ?
Whilce Portacio : Non-Humans se déroule dans un futur proche où tous les enfants ont réussi à rendre leurs jouets vivants... Non seulement ça, mais ils ont aussi réussi à leur conférer une part de leur personnalités. Après 26 ans, on a devant nous une nouvelle catégorie d'êtres vivants, une catégorie d'êtres vivants qui pourrait théoriquement survivre à l'humanité.

Il y a des personnages assez étonnants comme l'Ours Buddy qui est l'informateur/dealer du coin. Un petit chien-jouet vivant au sommet d'un mannequin de manière à avoir un aspect humain...
Whilce Portacio : Le personnage principal se nomme Aimes et, quand il était jeune, son jouet - un petit singe - s'est animé et a tué la mère de Aimes avant de prendre la fuite. Aimes éprouve donc une haine viscérale pour les Non-Humans et il est devenu enquêteur de police de manière à pouvoir pourchasser ces derniers. Un jour, son fils âgé de 14 ans rentre à la maison avec sa petite amie qui est un mannequin - l'objet - pour Victoria's Secret. Maintenant, Aimes est obligé de prendre sur lui et de surmonter sa phobie des Non-Humans...

Quels sont tes projets en cours et à venir ?
Whilce Portacio : En ce moment, je travaille sur la deuxième mini série des Non-Humans ainsi que sur la relance de mon ouvrage sur la mythologie Philippine - "Stone - et sur la création d'un nouveau studio à Manille.

Que penses-tu de l'industrie des comics aujourd'hui ?
Whilce Portacio : J'ai été très touché par la réaction positive des lecteurs de toute part vis-à-vis de mes comics préférés, par le fait que cette forme d'illustration a été globalement acceptée. Je suis aussi très impatient de voir ce qui va se passer à l'avenir maintenant que divers champs artistiques commencent à fusionner avec l'industrie du divertissement afin de créer et de produire de nouveaux titres. Je pense que si tout se passe bien, l'industrie des comics sera le fer de lance de ce phénomène.

As-tu un comic-book préféré ? Lis-tu encore des comics ?
Whilce Portacio : Pour le moment, j'apprécie toute sorte d'art provenant de tous les artistes de par le monde...

Si tu avais le pouvoir cosmique de visiter le crâne d'un auteur pour en comprendre son génie, son art, lui piquer des idées, bref faire ce que tu veux, ce serait chez qui ? Et pour quoi faire ?
Whilce Portacio : Mon peintre préféré est J.W. Waterhouse. A mes yeux, son travail se rapproche du comic-book. Comme nous, aujourd'hui, il dessinait et peignait des personnages, des situations et des lieux qui n'existaient pas ou bien qui prenaient place à des époques dont nous n'avons plus souvenir. Tous, nous dessinons en nous basant sur notre imaginaire en essayant de visualiser de manière réaliste ces différents époques et personnages. J'aurais aimé l'accompagner en Egypte, sur des sites antiques, et m'asseoir avec lui pour essayer d'imaginer comment l'Egypte antique avait pu être.

Merci Whilce !

Remerciements spéciaux à Jo pour la mise en relation et à Alain Delaplace pour la traduction.

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