L'histoire :
Après une guerre mondiale méchamment destructrice, la Terre n’est plus que désolation. Une bribe d’humanité s’est néanmoins réorganisée sous la houlette du Capitaine Masqué et de son lieutenant, Lemon Jefferson. Mais un jour, une patrouille capture deux rebelles, une jeune femme et un vieillard, et les ramène au fort. Lemon tombe immédiatement amoureux de la jeune femme et refuse qu’elle soit exécutée le lendemain, comme l’a ordonné le Capitaine. La nuit, il tente donc de la libérer, mais c’était un traquenard : le Capitaine l’attend dans la cellule et il tue les rebelles devant lui. Lemon est affligé. Pour le punir de cette tentative de trahison, le Capitaine bannit Lemon de son camp fortifié : il l’abandonne aux fureurs de l’océan, ligoté dans un canot. Après plusieurs jours de dérive, Lemon se réveille sur une plage et découvre un autre monde, tout aussi cruel : des hommes se battent dans une arène et les perdants sont jetés dans un brasier, situé au sommet d’un temple inca. Un inconnu avec un chapeau l’aborde pour lui expliquer les rouages de ces combats et le jette aussitôt dans l’arène ! Pour rester en vie, Lemon est obligé de combattre… un enfant ! Il s’en sort naturellement victorieux (et avec un terrible sentiment de culpabilité). Il a désormais le droit de pénétrer dans la caverne des délices…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Pour les éditions 2024, Simon Roussin livre ici une aventure de série B particulièrement culottée : comme peut en dessiner un enfant de 10 ans, mais avec le savoir-faire et la rigueur inhérents au professionnel de l'art séquentiel. Le héros, tout d'abord, avec un nom qui « sonne » américain est doté d'une vertu très bancale et ses origines sont totalement improbables. Côté scénographie, c'est très pratique : le contexte est post-apocalyptique, comme ça, pas besoin de se casser la nenette à respecter un décorum particulier : Lemon Jefferson évolue essentiellement dans la nature et des souterrains. Pour le scénario, ce héros amateur s'attèle d'entrée de jeu à une sorte de quête initiatique d'une naïveté confondante et surclasse des rebondissements rocambolesques sur un développement narratif linéaire. Sur le plan du dessin, enfin, Roussin utilise un trait fin et stylisé, d'une belle modernité, mais qui passe totalement au second plan en raison de couleurs surréalistes : Roussin a en effet recouvert l'intégralité de ses cases d'une colorisation aux feutres, sur une gamme restreinte et particulièrement chatoyante ! Oui oui, les bons vieux feutres d'écoliers, que même que quand on repasse deux fois au même endroit avec, ça fait des gros pâtés. Visuellement, c'est d'abord un chouïa agressif, et puis on se fait rapidement à ce visuel psychédélique qui correspond finalement pas mal au ton décalé de cette aventure louf-dingue. Culottés, donc, tous ces partis-pris sont évidemment volontaires, pleinement assumés, utilisés avec une grande application et aboutis. Cette grande aventure se lit donc sans déplaisir, sans trop solliciter les méninges non plus... avec un petit relent de nostalgie très agréable pour qui a déjà essayé de faire une BD (à l'âge de 10 ans). Avec une pareille audace, cet album de Roussin intègre tout de même la sélection officielle du festival d'Angoulême 2012.