L'histoire :
Le Festival de musique de Bru cherche des groupes à faire tourner sur scène. Noah est intéressé. Il va falloir mettre les 7 mois restants à bon escient en répétant encore et encore son jeu de guitare. Il va chercher aussi à perdre tout ce gras qu'il a autour de la taille, notamment en commandant un Fittone ABS Connection, qui fait de beaux abdos. Et puis il rencontre Alex dans une soirée, une nana qui lui fait tourner la tête et chavirer le cœur... Mais qui le quitte rapidement. Ils partagent pourtant une passion commune pour le bel acteur Marley Johnson. Cette idole de papier provoque en lui excitation, désir et frustration. Il achète tous les produits dont il est le promoteur. Tout y passe et pour un prix excessif : hydratant pour les cheveux, la peau, anti points noirs... Pour asseoir sa volonté de changer d'apparence, rien de tel qu'Instagram. Quelques kilos en moins et des abdos en plus, voilà Alex qui réapparaît. A nouveau, cela tourne court. Noah complexe tellement sur son corps qu'il en oublie le reste. Même sa grande passion passe au second plan. Son meilleur ami essai de le raisonner : « T'es pas Marley. Tu seras jamais Marley. Elle t'aimera jamais, peu importe le nombre d'haltères que tu soulèves. T'es devenu tellement futile. Je préférais l'ancien Noah. » Ils jouent tout de même ensemble sur scène, le jour J. Le hasard fait réapparaître la demoiselle qui hésitait entre son fantasme et la réalité. Le passé est effacé et ils reforment un couple. Pour combien de temps ?
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Comment se faire aimer ? Ne faut-il pas pour cela correspondre aux canons de la mode ? Julia Reynaud propose une histoire qui donne une réponse claire et nette. Noah ressemble un peu à Mr-Tout-le-monde. Il doit faire des études pour trouver un vrai travail plus tard. Mais la musique c'est beaucoup plus plaisant et facile aussi. Toutefois, cela ne fait pas rentrer d'argent. Il compte sur ses parents pour pourvoir à ses rêves et ses loisirs. Et quand il est à sec, son père fait le nécessaire. Donc il n'a pas à s'inquiéter de ce côté-là. Il en vient à se demander comment se faire aimer ? Est-ce que cela doit reposer sur sa personnalité, son attitude, ses passions ? Est-ce suffisant ? Le personnage principal sent que pour garder celle dont il est tombé amoureux, il faut que son corps ressemble à son idole. Si son couple ne tient pas la route, cela ne peut être qu'en lien avec son apparence ! Donc pas le choix : il faut acheter des produits couteux et modifier ses habitudes de vie. La pression au quotidien est très forte. La fiction et la réalité se croisent ici. On glorifie la minceur, la maigreur, la perfection à travers des affiches publicitaires, des séries, des films... Difficile de ne pas tomber dans une boucle de torture narcissique avec les réseaux sociaux. Autrice complète, Julia Reynaud propose une fin positive avec une prise de conscience. Les images peuvent mentir. Elle a choisi de transmettre un message constructif pour pousser à réfléchir à nos choix. Pour cela, le rythme narratif est assez lent et un brin décousu. Il correspond cela dit à la manière dont se prennent les décisions humaines : avec leur lot de contradictions et de biais. C'est marqué avec des couleurs qui changent au fur et à mesure. Le dessin est limpide et il va à l'essentiel. La chronique sociale ne s'interdit aucune représentation, comme un pénis en érection, par exemple. Les images deviennent plus chargées lorsqu'il s'agit de souligner l'omniprésence des impératifs commerciaux, présents partout. Sois conforme et consomme. Le bonheur est dans la consommation. L'amour est dans la consommation... Cette jolie critique sociale en incitera sans doute quelques uns à poser un autre regard sur notre mode de vie.
