L'histoire :
Une vallée sépare deux armées. Celle des Philistins fait face à celle d'Israël. Alors que la guerre paraît sans fin, le capitaine des Philistins a une idée géniale pour l'emporter. En deux semaines et au prix de deux vies sacrifiées seulement. Il faudrait juste un soldat, une armure, une lance, une épée et un bouclier, le tout sur mesure. Ce soldat, il s'agit de Goliath de Gath, héros de circonstance, choisi par son peuple en raison de sa taille de géant. Or Goliath n'est bon qu'à faire de la paperasse. Après avoir enfilé son costume, il se poste au sommet d'une montagne et lance un défi : que l'armée d'Israël choisisse un homme et qu'il vienne se battre contre lui. S'il vient à être tué, alors son peuple leur sera assujetti. Le petit mais rusé David se présentera un peu plus tard...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Plus que renouveler le célèbre épisode biblique dans le menu détail, Tom Gauld se focalise ici sur le géant Goliath pour tenter de cerner ses motivations, son passé et retracer la genèse de sa mort. Dans Goliath, Tom Gauld fait de son colosse une banalité magnifiée par un peuple, devenu héros malgré lui grâce à sa taille, symbole d'une armée puissante et conquérante qui doit se plier à la volonté supérieure de son Roi. Simple soldat crédule victime des événements, le géant attend des heures sans accepter tout à fait les enjeux d'une guerre qui lui paraît absurde. Goliath incarne ici la figure du géant débonnaire et d'un soldat qui ne voudrait pas l'être. Via un dessin minimaliste, Gauld suggère plus qu'il n'exprime ou souligne, laissant au lecteur le soin de partager le désarroi du héros. Un décor sommaire (une montagne, des soldats), des dialogues lapidaires et pourtant occasionnellement décalés, une gestuelle et des expressions limitées, le livre à l'ambiance austère délaisse peu à peu l'histoire pour dessiner les contours d'une parabole philosophique sur le destin, la guerre, les lois morales qui organisent la société et conditionnent la part de liberté de chacun. Si bien que cette réinterprétation, aussi placide que son géant, embrasse une dimension symbolique aussi impressionnante que celles du Philistin, que le petit David abattra sans pitié. Ce Goliath étrange et désabusé constitue une lecture des plus originales.