L'histoire :
Scénariste de profession, Absinthe se demande ce qu’il fout ici. Il était tranquillement en train de plancher sur le scénario de son western, lorsque soudain, il s’est retrouvé propulsé dans sa propre BD. Il est maintenant accoudé au zinc de la scène du saloon, un verre de whisky devant lui. Alors qu’il met cette expérience sur le compte de l’alcool (et il s’enfile le whisky), le cruel marshal Gross Hamend pénètre avec fracas et le met en joue. Hamend est heureux d’être enfin confronté à son enfoiré de scénariste et il veut savoir où est l’indien Little Boost. Il n’a pas l’air de plaisanter et Absinthe (qui l’a créé) sait de quoi il est capable ! Affolé, le scénariste avoue que l’indien apparaît en page 16, aux abords de la mine du vieux Sullivan… Ravi de cette info, Hamend s’apprête à le flinguer, lorsque surgit Lagribouille, le dessinateur du western. Lagribouille chute du plafond, un fusil à pompe entre les mains. Il affole la compagnie en tirant en l’air et s’enfuit avec Absinthe, à bord… de sa Triumph Spitfire ! Le scénariste hallucine : une bagnole de sport en plein western, c’est un anachronisme débile. Lagribouille lui explique qu’il a du improviser pour pouvoir intervenir, en dessinant à toute vitesse divers trucs pratiques planqués au sein des pages de la BD. Le duo d’auteurs prend soudain conscience d’un gros problème : maintenant qu’Hamend sait où se trouve Little Boost, le cours de la BD risque d’être altéré et donc leur retour dans leur monde fortement compromis…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
A l’origine, le personnage de Little Boost est issu de 4 pages de BD publiées en 1995 dans un recueil collectif, parodiant à la « sauce motard » une bataille de la colonisation occidentale chez les peaux rouges. Reproduite en fin d’album, cette historiette (caustique mais lambda) n’a plus grand-chose à voir avec l’aventure originale et ultra-dynamique de 46 planches qui en a aujourd’hui été extirpée. La mise en abyme délirante et réjouissante des premières planches donne le ton et attaque fort : deux auteurs se retrouvent piégés dans leur propre BD. Car les personnages ont beau être en terrain connu (puisque de leur cru), ils contribuent à construire et à déformer leur propre création, à leur insu, lorsqu’il en évoque les paramètres. De poursuites en fusillades, on partage les anachronismes, les rebondissements frénétiques et le désarroi de ces héros auteurs, en espérant presque que le phénomène ne se reproduise pas chez le lecteur… L’autodérision est jouissive, avec des trouvailles futées (la bagnole de sport et le fusil à pompe, en plein western…) et un sens de la réplique franchement fendard. L’ultra-dynamisme du dessin – école belge, option Franquin – est maîtrisé. Ici Fane scénarise, pose le crayonné et Juan s’occupe de l’encrage. Certes, la seconde moitié de l’album ne se renouvelle pas énormément, se bornant à dérouler et conclure les bases établies sur ce principe. Mais au regard de la première partie franchement réjouissante, on pardonne aisément. Un tandem de héros d’un type encore inédit est né !