L'histoire :
Ce jour là, Monsieur Plichon, employé quadra pourvu de petits moyens, a décidé d’ouvrir un compte bancaire au Crédit Sociétaire. Il pousse la porte et se retrouve dans le « sas », le dernier endroit totalement innocent avant d’entrer dans le monde de la perversion ultime. Une fois devant le guichetier, il explique vouloir ouvrir un livret A pour y déposer un chèque de 100 euros. On lui donne rendez-vous avec un conseiller, pour un mois plus tard (parce qu’avant, son planning est plein de cours de golf, d’RTT, de séminaires…). Plus tard, Monsieur Da Silva, son « cofi » (conseiller financier, bac+3, carte de visite en crépon), lui expliquera le devenir de ses 100 euros : il lui rapporte 4,75% le premier mois et puis des crottes de nez le mois suivant. Plichon sait que ses 100 euros ne dorment pas vraiment au Crédit Sociétaire, qui est une « banque de winners ». Il aimerait que ça rapporte du gros pognon, comme savent en faire les traders qui font fructifier la boutique. Mais pour ça, il faudrait qu’il place carrément plus que 100 euros. Comble de chance, il gagne quelques jours plus tard le pactole (150 millions) à un jeu à gratter. C’est donc le directeur d’agence qui l’accueille cette fois, et qui lui présente son nouveau guide : Toby, un CSP+ bac+5, qui parle globish et a une carte de visite en platine. Il l’emmène pour une visite guidée dans les rouages des hautes sphères financières…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Attention, après voir lu ce pamphlet (à peine exagéré) sur les ficelles pernicieuses de la haute finance, vous écoperez d’une énorme pulsion haineuse envers votre conseiller bancaire. Pour son premier album, Thibault Soulcié s’attaque à un sujet éminemment d’actualité : les rouages pervers du monde des « affaires », ceux-là même à l’origine de la crise mondiale qui n’a pas fini de nous remuer, et que les puissants n’ont de cesse de vouloir reproduire. Evidemment, quand une machinerie, toute malsaine qu’elle soit, permet de « créer de l’argent », quel organisme « vertueux » s’en priverait ? Sur un dessin caricatural simple et fluide, Soulcié décortique et simplifie beaucoup de concepts d’ordinaire abscons, sur le mode de l’humour grinçant… très grinçant. Comment et pourquoi les traders brassent-il autant d’argent ? Qu’est ce que les actifs pourris ? Les parachutes dorés, la logique des délocalisations, la toute-puissance des gros actionnaires, les bulles spéculatives, les effets de levier, les fusions-acquisitions, la titrisation… Son gentil quidam de Plichon rencontre tout un tas de protagonistes méprisables qui parlent globish (l’anglais des affaires) et sont connectés bluetooth, sans la moindre considération éthique. En gros, nous sommes tous victimes d’une bande de winners qui a mis au point une machine à entuber les pauvres, et qui régit le monde. C’est simple, ça fait mal, mais ça sonne incroyablement juste !