L'histoire :
Jadis, par un rigoureux hiver russe enneigé, un homme pénètre à pied dans un village. Il se présente devant le perron d’une maisonnette, au moment où la porte s’ouvre. Fédor, qui sortait chercher du bois pour le feu, a alors la stupeur de se retrouver nez à nez avec son frère Mikhail, qui était parti voilà 15 ans de cela. Fédor n’est guère ravi de ce retour, contrairement à leur mère, qui pleure de joie de retrouver son fils prodigue. Aussi froidement que soudainement, Fédor décide de partir à la chasse à l’« Ourso », le terrible et géant homme à tête d’ours, l’être le plus puissant et le plus maléfique de la forêt. En effet, l’Ourso a pris autrefois la vie du troisième fils de la famille Ignachov, Alexeï, et cela réclame toujours vengeance. Cette tragédie familiale avait été à l’origine de la fuite de Mikhail et de la discorde entre les deux ainés. Aujourd’hui, Fédor incite fortement Mikhail à l’accompagner : s’il ne le fait pas, c’est un lâche. Contre son gré, Mikhail l’accompagne donc, après que les deux frères aient fait le plein de munitions. En cours de route, ils croisent un groupe organisé de jeunes chasseurs, qui leur proposent de se joindre à eux. Devant le refus des deux frères, ils les prennent pour des insensés. Fédor et Mikhail poursuivent leur quête, seuls…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Entre deux L’or et le sang et trois Pour l’empire, Merwan (Chabane) trouve le temps de scénariser ce one-shot, entre quête initiatique et tragédie tolstoïenne. A l’origine du récit, il est question d’un deuil de 15 ans, du poids de la culpabilité, de la rivalité profonde dans une fratrie… Omniprésents, les deux frères co-héros de l’album se lancent pour défi de venger leur frère et pour cela, ils doivent tuer une créature trop improbable pour être cartésienne aux yeux du lecteur. Pourtant, des traces gigantesques de pas dans la neige nous emmènent volontiers sur le terrain du conte initiatique russe, proche des mythes amérindiens (on songe à Washita). Leur objectif de tuer une créature monstrueuse ressemble alors de plus en plus à une allégorie : la finalité de leur périple sera plus de se retrouver eux-mêmes, ensembles et individuellement, de se pardonner, de se reconstruire après leur intense traumatisme psychologique. Emouvante, ésotérique et un peu étrange, cette histoire est agréablement dessinée et impeccablement séquencée par le dessinateur David Alapont (et colorisée en aplats de teintes modernes par Sandrine Bonini). Après avoir pas mal œuvré dans le milieu de l’animation, celui-ci livre d’ailleurs ici son tout premier album de bande dessinée : une belle promesse pour l’avenir…