L'histoire :
Un soldat des forces de l'Axe court. Dans ses yeux, la frayeur. Il a la mort aux trousses. La bombe. Le déluge de métal et de terre, de poussière. Son souffle meurtrier. L'éclair de la déflagration et tout est emporté. La terre s'ouvre sous l'explosion. Le cratère et le champignon se forment en même temps. Tout est fini. Une silhouette, au milieu des ruines. Où sont les autres ? Quels autres ? Il ne comprend pas. Il regarde ses mains, au travers de son masque à gaz. Une visière de son masque est éclatée. Il est probablement borgne mais il regarde ses mains et il est bien vivant. Seul. Pour combien de temps ? Même le ciel est contre lui, un orage s'abat sur ce qu'il reste de la ville. Se réfugier un moment sous un des rares bâtiments qui ne soit pas écroulé. Repartir, quitter cette ville pour rejoindre la ligne de front. Trois minutes à courir et c'est la poisse, un bombardier, tout là-haut, juste au-dessus... Juste au-dessus, on voit le monstre qui sort de son ventre. La bombe flotte puis bascule, nez en avant. Tout est si lent mais tout va si vite. Tout est fini...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Il y a des albums forts, de ceux qui vous marquent parce qu'ils sont aussi une rencontre avec une œuvre et son auteur. Home est de ceux-ci. Parce que son fond et sa forme sont remarquables. Marco Fontanili, jeune auteur italien, signe ici un récit de guerre aussi sombre que magnifique, proposé en format géant. L'album, souple et agrafé, est de la taille d'un portfolio qui accueille des planches. L'objet, à la taille si éloignée du format classique des BD classiques, est donc immense et on sait dès la prise en main que c'est une expérience de lecture qui nous attend. Alors certes, l'album est grand dans sa dimension, mais il est autant dans son contenu. Dans la fureur des bombes et de la mitraille, dans la fuite éperdue de la mort, dans le fracas des âmes fauchées au front, Marco Fontanili choisit une narration muette. Il n'est pas facile de poser des mots sur une histoire qui s'en dispense, mais ce que l'on peut en dire, c'est qu'on est totalement bouleversé par la vision de cet homme au combat, de cet Home qui vous souffle comme le vent funeste d'un boulet de canon. Dans les jeux d'ombres, se dissimule partout celle de la mort ; et la lumière provient des déflagrations des bombes qui tombent. Avec un découpage qui dessine les lignes d'un horizon désespérant, l'expérience visuelle rappelle parfois Lynch dans son côté halluciné, parfois Fritz Lang pour son aspect expressionniste. Home, c'est une histoire et un album unique. Un album qui vous plonge dans le grand voyage, le dernier voyage, celui que les soldats fauchés ont connu.