L'histoire :
Jeanne s’est inscrite à une grande école de théâtre et doit passer une audition avec une vingtaine d’autres apprentis comédiens. Elle n’est pas sûr d’elle, bégaie lorsqu’on l’interroge à l’arrivée, prend même peur lorsqu’elle voit le nombre de candidats, mais semble posséder un univers intérieur riche. Le thème demandé étant un dialogue, elle est désemparée car sa réplique l’a plantée au dernier moment. Elle sera donc accompagnée par un des employés, et ce sera un extrait de La ménagerie de verre de Tennessee Williams. Cela se passe bien. Une semaine plus tard, elle reçoit le mail qu’elle attendait : elle est retenue. Son manque d’assurance et son scepticisme la forcent cependant à rappeler deux fois pour être sûre… Mais les faits sont là : elle va intégrer l’école et commencer à se faire remarquer par son talent « naturel ». Alors que, par ailleurs, on découvre la vie quotidienne de l’école, les méthodes enseignées et le profil de certains élèves, un microcosme se met en place...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Tout d'abord circonspect sur le fait de pouvoir être embarqué au sein d’une classe de jeunes apprentis comédiens par le biais d'un roman graphique, c'est avec surprise et délice que l'on subit l'immersion de Jeanne et de ses camarades dans la classe de Nadia, leur professeure de jeu première année. Cela est dû au dessin noir et blanc stylé ligne claire de Rosalie Stroesser, travaillant pour la presse (New York Times, Perdiz Magazine, le 1 Hebdo…) et dont on avait pu découvrir en 2023 le même raffinement dans Shiki, quatre saisons au Japon, dans la collection Virages graphiques. Ses noirs et blanc sont particulièrement pertinents lorsqu'il s'agit de « dessiner » la lumière ou le silence d'une salle de répétition, et même l'intériorité du comédien. Toute la complexité que l'on pouvait redouter est superbement dénouée par la grâce d'un scénario et d'un découpage plein de sensibilité, œuvre de Vincent Farasse. Il faut dire que son expérience en tant qu'auteur, mais aussi metteur en scène, comédien, scénariste et réalisateur, fait toute la différence. On est sur et devant la scène avec les protagonistes, et tout respire le réel et le vécu. Au-delà de cette « technicité » nécessaire, l'émotion et l'univers personnel du personnage principal ressortent pleinement. Ambiance collective, intériorité, doutes, puissance créatrice d'émotions ne demandent qu'à sortir au grand jour. Ce sont ces fils invisibles, ces « vies multiples » que le duo d'auteurs nous offre en partage. Ce premier tome s'arrête assez brusquement à la fin du premier semestre. Il faudra donc attendre pour découvrir les progressions des uns et des autres... ou leurs désillusions !? Une belle expérience, sur le fond et la forme.