L'histoire :
Des bribes de conversations sont saisies au détour d’une table de café, glanées au fil de flâneries dans les bars de Lille, de Paris, de Montréal ou encore de Minorque. Une jeune femme aveugle reprend son souffle près d’elle. Sentant la présence d’un chien, elle demande qu'on lui décrive ce petit être. Le portrait fait ne plaît guère à la propriétaire, qui ramène aussitôt son compagnon vers elle… jusqu’au moment où on prononce « il est beige doré », ce qui lui redonne instantanément le sourire.
On croise aussi trois amis qui discutent de leur week-end : l’un s’apprête à rendre visite à sa grand-mère en maison de retraite, une mamie exigeante qui sait ce qu’elle veut ; un autre évoque la sienne, disparue, dont le souvenir lui manque. Il y a un enfant étendu par terre, faisant le mort pour ne plus avancer et exprimer sa contrariété, ou encore ce grand gaillard qui goûte un matcha pour la première fois. Il y a aussi cette vieille dame chargée de sacs, qui arpente la rue en interpellant les passants pour qu’ils lèvent les yeux vers le ciel. Et puis, parfois, en aparté, il y a l'autrice elle-même : dans un ascenseur, elle se présente à son voisin et lui demande son nom. Bernard peine à articuler sa réponse, surpris qu’on s’intéresse à lui.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Maelle Reat a été révélée au grand public avec Blanche, récit émouvant retraçant le parcours d’une femme atteinte du VIH. L’autrice lyonnaise nous plonge aujourd'hui dans un journal de bord où la légèreté rime avec café. Murmures, c’est des petits riens pêchés ici ou là, des scènes de la vie quotidienne dans un paysage urbain. Des conversations qui se croisent ou s’évaporent, que l’on surprend ou que l’on écoute, des small talks de café. Les personnages sont dépeints avec humour et une délicate forme de caricature. L'autrice parvient à saisir des expressions, des attitudes et des interactions avec une vraie bienveillance. Elle met beaucoup de douceur dans les couleurs choisies et une forme de poésie émane de ces scènes. Quand elle n’entend pas les conversations, elle les imagine, allant jusqu’à en stéréotyper certaines d’après l’apparence des protagonistes. Avec son trait tremblant et ses personnages quasi burlesques, le dessin porte l’essentiel de l’humour et de l’expressivité, bien plus que le scénario lui-même. Ce n’est pas une lecture drôle au sens strict : on y trouve parfois de l’humour, mais aussi de la banalité, un brin d’étrangeté et jamais rien de véritablement grave. Les brèves, d’une à quatre pages, n’ont pas toujours de début ni de finalité ; ce sont des parenthèses qui s’ouvrent devant nous puis se referment sans prévenir, parfois avec une pointe de frustration, mais plus souvent sans gêner la lecture. Maëlle Reat offre un journal stylisé qui se lit, se repose et se reprend à loisir, qui peut aussi bien se transmettre que se laisser derrière soi.