L'histoire :
En janvier 2022, Marianne, 56 ans, est en attente de son procès. Née d'une famille ouvrière du côté de sa mère, qui était très à gauche, et d'un père plutôt bourgeois qui était vétérinaire, elle est engagée au niveau politique. Mais à l'époque, elle ne se revendique pas féministe. Et puis, en croisant un jour dans la rue des femmes qui collent des messages sur les murs, elle peut lire « Le sexisme est partout nous aussi ». Ce message lui parle et l'interpelle directement. Elle se remémore son parcours, prend conscience que son premier rapport sexuel était un viol à l'âge de 14 ans. Elle réalise qu'elle a vécu des viols conjugaux dans sa vie amoureuse, qu'elle a été victime de violences conjugales pendant deux ans. Qu'elle s'est faite agressée en pleine rue par un homme qui a mis violemment sa main entre ses jambes en public avant de s'en aller, comme si de rien n'était. Alors, le soir-même où elle découvre ce message et ce collage, elle se retrouve avec des filles qui ont trente ans de moins qu'elle, et elle intègre le groupe de collages de Nantes. Mais le 14 juillet 2020, elles sont six à marcher dans la rue avec leurs seaux. Elles viennent de faire leur premier collage et des policiers s'approchent d'elles et veulent fouiller leurs sacs. Elles refusent, ils insistent. L'une des membres du groupe sort son téléphone pour filmer, elle est plaquée au mur par un policier qui lui dérobe son portable. Marianne intervient. Elle passera 22 heures en garde à vue, aura 14 jours d'ITT et déposera une plainte qui sera classée sans suite. Mais après cette altercation, quatre des filles, dont Marianne, sont poursuivies et attendent leur procès.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Dans cette BD documentaire, Paola Guzzo et Cécile Rousset abordent l'histoire du collectif féministe qui se réunit pour réaliser des collages contre les féminicides. Le roman graphique est le fruit d'un travail de recherches sur la création du mouvement et ses évolutions, mais qui laisse aussi la parole à celleux qui le font vivre. Elles mettent en avant ce moyen d'expression activiste, qui cherche à interpeller les passants, à sensibiliser massivement : comment les groupes s'organisent-ils pour mener une nuit de collages ? Ce procédé étant illégal, que risquent ses membres, quelles difficultés peuvent-ils rencontrer ? Elles expliquent également comment petit à petit, les sujets de dénonciation par le biais des collages se sont élargis, intégrant aussi les luttes LGBTQIA+, ou les luttes raciales dans leurs messages. La bande dessinée peut paraître dense, mais l'utilisation d'un chapitrage et l'insertion massive d'illustrations mettant en scène les messages affichés dans la rue, permettent une fluidité dans la lecture. Tous les dessins sont réalisés en noir et blanc, dans un style semi-réaliste lâché. Une grande place est accordée au texte, qui apporte un grand nombre de données, mais les deux se répondent parfaitement. Bien réalisé, ce ce roman graphique permet d'en apprendre davantage sur le mouvement féministe des collages contre les féminicides, qui se fait la voix de celles qui n'en ont plus.
