L'histoire :
Magda, 14 ans, s'ennuie dans sa campagne natale depuis le départ de son ami Gaël et de son frère pour la ville. A l'occasion de vacances, ils se retrouvent et prennent conscience du changement de leur environnement d'enfance, elle en ayant vécu une partie auprès de son grand-père, les relations avec sa mère étant difficiles. Déboussolés par des tiraillements sentimentaux et par une sensation d'impuissance face à une nature magnifiée qui recule, chacun va s'inventer une échappatoire, faite de rêves, de dérives et d'hallucinations. En même temps, de réels dangers guettent autour de la zone industrielle...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Rares sont les auteurs français pouvant démontrer un tel univers personnel sur une première publication de plus de 200 pages. Narration fortement onirique, éléments autobiographiques apparents, thèmes forts et violence des sentiments, mais aussi un dessin noir et blanc magnifique, évoquent certains maîtres de la xylogravure ou du Jugendstill. Le papier au fort grammage magnifiant ostensiblement le rendu. Une « fabrication » due à Dorothée Xainte, élevant l'album au niveau du beau livre. Passé cette émotion esthétique précieuse et surprenante, on est tout autant décontenancé, heureusement, par le scénario, évoluant lentement, mais sûrement, dans une ambiance mêlant réflexions sur la découverte de nouvelles émotions – sexuelles, entre autre – de ces adolescents, mais aussi fantastiques liées à la psychologie de deux de ces derniers. La bétonisation sauvage de cette baie, laissant petit à petit place à une zone industrielle (la méta station) et les étranges phénomènes liés à la nature environnante qui s'y produisent, réellement ou dans les psychés de Magda et Gaël, pouvant rappeler le manifeste écologiste Rumeurs sur le Rouergue de Tardi et Christin (1976). Ce sentiment de malaise, lié à une période de la vie, et celui d'impuissance, lié à l'écologie contrariée, se nomme Solastalgie. Bérénice Motais de Narbonne, ayant réalisé un mémoire sur la représentation de la femme dans la bande dessinée (La Pilule rouge, 2016) et autrice d'un court métrage primé (Astrale, 2017), confirme son engagement et un grand talent avec cet ouvrage très personnel, remarquable sur le fond et la forme. Coup de cœur !