L'histoire :
Archéologue et fille d’archéologue, l’israélienne Nilli Broshi vient d’apprendre que le collectionneur Emile Abouloff est sur le point de céder toutes ses antiquités à l’université de Jérusalem. Elle entre aussitôt en émoi et rend visite à Abouloff. Ce qui l’intéresse au plus haut point, c’est la récupération d’une mystérieuse tablette cunéiforme. Abouloff accepte de lui céder cette tablette – il s’agit d’une vulgaire copie ! – mais il impose de recevoir en échange n’importe quel autre artéfact authentique collecté précédemment par son père, aujourd’hui atteint d’Alzheimer. Nilli se rend donc au département d’archéologie de l’université hébraïque, dans l’espoir de chiper une babiole d’époque dans l’ancienne réserve de son père. Mais elle est empêchée par le directeur, le prétentieux professeur Motké. Celui-ci revendique généralement les découvertes des autres et il s’apprête sans scrupule à recevoir le prestigieux Prix de l’Avenir du Passé. De retour chez elle, Nilli négocie ensuite avec son frère, qui travaille toujours avec Motké. Il faut absolument qu’il fasse disparaître cette tablette cunéiforme, avant que Motké comprenne, lorsqu’il l’aura en main, qu’elle détermine l’emplacement actuel de la légendaire Arche d’Alliance. La recherche de ce coffre mythique, c’est le grand œuvre de la vie de son père. Il est hors de question que Motké se l’approprie. Nilli, qui entend bien trouver l’Arche en premier, met donc en branle elle-même un chantier de fouilles avec des collaborateurs pour le moins folklos. Car pour récupérer l’Arche, il s’agit de creuser un tunnel par-dessous le mur-frontière avec la Palestine voisine. Et si leur projet s’évente, le risque est grand que les palestiniens revendiquent l’Arche d’Alliance, une relique fondatrice de la culture hébraïque…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
La transmission patrimoniale, la Mémoire, le rapport au passé, sont des sujets qui tiennent à cœur à l’israélienne Rutu Modan. Plus globalement, ce sont des sujets sensibles dans la culture israélienne. Après la Propriété et Exit wounds, voici qu’elle met en scène une famille d’archéologues en quête de l’un des artefacts les plus légendaires de l’humanité : l’Arche d’Alliance. Ni plus ni moins que le coffre mythique qui renfermerait les tables de la loi édictées par Dieu à Moïse. Or comme l’a théorisé l’aventurier foutraque Ron Wyatt, ce trésor au croisement de plusieurs religions se trouverait encore dans une grotte sous Jérusalem – et pour pimenter sa quête, pile sous la frontière entre Israël et la Palestine. Voilà donc nos archéologues qui creusent des tunnels rivaux sous Jérusalem, avec l’absolue certitude de ne pas se planter. Car si le creusement de tunnels évoque La grande évasion et l’Arche d’Alliance Indiana Jones, le ton est ici plus volontiers celui du théâtre vaudevillesque et du burlesque. Rutu Modan use d’une fausse légèreté insouciante, et se sert admirablement du domaine de l’Archéologie pour malaxer bien des crispations de notre époque, de ce lieu si particulier et des rites associés au judaïsme. Il faut dire aussi que l’archéologie se trouve au croisement de beaucoup de registre d’intrigues possibles : historiques, thriller, politiques, religieuses, familiales… L’autrice multiplie ainsi les pistes, tels que l’hypocrisie religieuse, les petits arrangements contre-nature (avec Daesh !), la vanité des inventeurs (on appelle « inventeurs » les découvreurs de trésors) ou des irrespectueux collectionneurs, mais aussi l’addiction des jeunes aux écrans… Ce scénario finaud et fort amusant compense très largement la simplicité d’un dessin cependant toujours très lisible.