L'histoire :
En 2060. Dans son appartement de Jakarta, Rio termine la mise au point d’une machine à téléportation. A une petite anomalie près, cet engin révolutionnaire est quasi au point. Son épouse Ann le dérange alors en plein calculs pour lui confier leur fille Dewi, car Ann doit partir en mission sur l’île de Java. Chemin faisant à bord d’une navette, ses collègues lui apprennent que la récente éruption du Krakatoa a généré un mini tsunami… mais surtout, il a permis de révéler qu’une femelle orang-outan a survécu à l’extinction de cette espèce. Ils partent donc récupérer l’animal pour le protéger. Une fois sur place, en pleine euphorie d’avoir effectivement repéré l’orang-outan, Ann téléphone à sa famille pour leur annoncer la bonne nouvelle. Elle assiste alors en ligne et en live à leur assassinat par un sniper. En cette époque, les triades déclenchent en effet des attaques terroristes à Jakarta. Six ans plus tard, Ann vit désormais en célibataire à New-York, en compagnie de Java, la femelle orang-outan qui vit avec elle et sur laquelle elle a fait un report affectif. Ann s’apprête à mettre Java en sécurité à bord d’une station spatiale, en utilisant la téléportation. Elle est alors contactée par une sorte de gourou d’un mouvement antispéciste, Alter Pongo, qui va exercer sur elle un odieux chantage…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Cette histoire d’anticipation aux frontières de la science-fiction se présente au travers d’une narration et d’un graphisme hors normes. Le scénariste français Serge Lehman semble avoir découpé son récit pour le rythme d’une parution comics, à travers un découpage en chapitres qui seraient autant de fascicules périodiques. Le rapport largeur-hauteur des pages correspond aussi à celles des comics, mais agrandies d’environ 30% par l’éditeur Albin Michel. On peut ainsi mieux profiter du dessin très particulier de Yann Legendre et pour cause : son style réaliste est 100% infographique, entièrement réalisé sous Adobe Illustrator®, avec des personnages et des décors mis en scène avec des masses pleines de noir pur (y compris les ombres, tout est clair ou noir) et une colorisation en aplats et en dégradés de couleurs vives. Le découpage s’affranchit la plupart du temps des traditionnelles gouttières et insère les quelques cases géantes sur fond noir. Le résultat est relativement hypnotique. Il séduira les lecteurs à la recherche de nouvelles expériences et rebutera les traditionalistes fans de « BD à papa ». Cette méthode avant-gardiste est parfaitement raccord avec le propos, un thriller écolo qui s’aventure sur les terres confuses de la physique quantique. Bien pratiques, ces intrications dissipatives, quand il s’agit de surclasser la métaphysique einsteinienne et de faire passer l’ésotérisme par-dessus la science. Entre expériences virtuelles, anomalies quantiques et réalité cosmique, on ne comprend pas tout… Sans trop en révéler, on fraye ici avec les sujets très actuels de l’antispécisme, de la préservation des espèces et du clonage, sur fond de dématérialisation de l’âme. Sacré programme. Mais surtout, c’est très joli.