L'histoire :
Stéphane, journaliste de profession en cette année 2037, rend visite à sa famille. Sa grand-mère en fauteuil roulant reste à longueur de journées avec la tête dans un casque de réalité virtuelle… elle est donc assez peu « présente », posée dans un coin du salon. Son frère Thomas passe lui aussi 100% de son temps dans des mondes virtuels (dans sa chambre), mais c’est pour jouer à un jeu de baston à haut niveau. Il commence même à gagner un peu d’argent avec cette activité et il est sur le point de se qualifier avec son équipe pour une importante compétition. Sa mère annonce alors à Stéphane une mauvaise nouvelle en provenance de chez sa sœur. En effet, son neveu Matt, qui était en âge de passer le test du logiciel Scanpsy, vient tout juste d’avoir ses résultats. Or il sont très mauvais : Matt souffre d’un TDAH (Trouble Déficit de l’Attention avec Hyperactivité), ce qui signifie qu’on ne pourra jamais rien en tirer… Or l’intelligence artificielle est infaillible et sa stricte application par la société Scanpsy souveraine ! Depuis qu’elle distribue les prédispositions, bien des errements ont été évités, la répartition des rôles dans la société est plus équilibrée. Julia et son mari n’ont pas d’autre choix que de placer leur fils dans un centre de rééducation, pour éviter qu’il ne devienne un délinquant. C’est ça, où on leur coupe les allocations familiales. Julia, en pleurs, demande à son frère journaliste d’investiguer et de publier un article à charge contre Scanpsy et le traumatisme qu’il engendre au sein des familles que l’AI rejette…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
En 2024, nous nous posons pas mal de questions sur l’Intelligence artificielle, l’homme augmenté et les paradis artificiels virtuels. Ces dernières années, les progrès ont été fulgurants en la matière et font craindre que ces prodigieux outils remplacent l’homme, l’artificialisent et menacent bien des professions. Pierre-Roland Saint-Dizier et Pierre Benazech nous donnent ici rendez-vous en 2037, c’est à dire dans une grosse douzaine d’années, avec l’apparition d’une nouvelle mesure révolutionnaire : la prédisposition, à l’adolescence, vers une orientation adaptée ou vers un centre de rééducation – alias une poubelle humaine. La machine a calculé que le petit Matt n’est pas doué et montre une faible capacité de concentration… la loi impose à ses parents l’internement ou des frais exorbitants. Quel chouette progrès ! C’est à cette problématique relativement convenue du registre de la dystopie (cf. 1984, Un bonheur insoutenable, Bienvenue à Gattacca…) que nous convoquent les scénaristes, mais avec un sympathique savoir-faire séquentiel, qui nous embarque agréablement dans la lutte de Stéphane et de sa famille pour libérer les mentalités et reformer notre servitude à l’intelligence artificielle. Le dessin semi réaliste d’Eliot, pour qui il s’agit de la première BD, se montre régulier et cohérent dans son style, complété par une colorisation en aplats d’une gamme restreinte de teintes. Allez, vous faites pas de bile, ces tracas d’AI et de prédispositions imposées ne nous arriveront pas en 2037, puisque d’ici là, nous serons tous morts du réchauffement climatique (ou de l’apocalypse nucléaire).
