L'histoire :
Martin est un réalisateur de clip publicitaire, papa séparé de sa femme, qui revit grâce à sa rencontre avec Alice, une belle jeune femme blonde, bien qu'elle ait des comportements bizarres et cache apparemment un secret. Elle est, en fait, atteinte d'un cancer qui va l'emporter inexorablement et assez rapidement, laissant Martin exsangue. Néanmoins, le jour de sa mort, celui-ci vit une sorte de transe hallucinatoire morbide auprès d'elle, qui pose question sur la réelle condition de la mort « naturelle » d'Alice. Lui va commencer à se comporter très bizarrement, tandis qu'il dirige le tournage d'un Giallo, un film thématique d'épouvante à la sauce italienne seventies. Des pustules l'envahissent, sa fille adolescente n'arrive plus à le joindre et d'étranges disparitions sont relevées sur le plateau de tournage...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Lire Alter Ego, le projet de deux auteurs fascinés par le cinéma de genre et la BD underground, c'est déjà essayer de comprendre comment et pourquoi ? Car la forme-même de cette bande dessinée surprend déjà : album papier glacé broché avec rabats, avec interview des auteurs par un blogueur à la fin, cela n'est pas courant, surtout chez un éditeur inconnu dans le milieu, à savoir ArtusFilmsBD. Artus film est en fait éditeur de DVD de genre (que l'on appellerait « nanards ») : westerns, films de cape et d'épée, SF ou horreur, oubliés du grand public. Il s’agit d’une mise en abîme d'un film maudit : L'ultime battement d'aile de tes sombres désirs, qui n'aurait jamais pu arriver à son terme de diffusion, voire de tournage (quoi que rien n'est sûr). Un financement participatif a été mis en place via le site de l'éditeur de DVD, et une BD racontant son histoire a été financée. Dès lors, on se retrouve avec (peut-être) un film offert en cadeau aux souscripteurs, mais surtout avec une histoire plutôt sympathique, car peu banale, bien tordue, comportant suffisamment d'atouts pour en faire une création et un produit culturel digne d'intérêt. Le dessin de Monsieur K, connu avec quelques albums dans le milieu underground, est fluide, et possède un encrage au feutre souple et lisible, permettant de tenir le lecteur dès les premières cases. Le choix d'une bichromie, alternative entre la vision de Martin puis de sa fille Hélène menant l'enquête, en seconde partie, est léger et n'enlève rien au dessin. Le scénario de Naäamlock, artiste protéiforme, s'il déstabilise quelque peu au départ, par sa vision kafkaïenne volontaire, sait garder le cap et nous emmène à bon port, même si pas mal secoués. Il faut dire que le synopsis bien dérangé d'un film surfant sur l'épouvante et l'irrationnel n'y est pas pour rien. Un album à découvrir, qui ne vous laissera pas de marbre.