L'histoire :
Quelque part sur la Terre, un paysage semblable à un lagon. Caché derrière une falaise, un homme d’environ 30 ans remarque la présence d’une belle jeune femme, vêtue d’un bas de survêtement et d’un petit haut. Après s’être déshabillée, la nymphe va nager et plonge dans une eau chaude et claire. Quelques instants plus tard, lorsque la femme réapparaît à la surface, celle-ci flotte inanimée, lourde comme une masse : elle est morte. Plus loin, une famille se rend sur une plage de sable afin de profiter du calme des lieux et de la lumière chaude. Sur le chemin, les enfants croisent un homme étrange, allongé sur le sol et saignant abondamment du nez. Encore plus étrange : Elvis, le chien de la famille, vient de trouver les vêtements, apparemment abandonnés, d’une jeune femme… Peu à peu, d’autres phénomènes mystérieux se produisent : les enfants semblent grandir à un rythme effréné, ce qui effraie la mère de Félix, et les téléphones sont impuissants à joindre les secours…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Après un Pachyderme salué, Frederik Peeters revient sur le devant de la scène, armé d’une BD à l’ambition philosophique clairement assumée. Au scénario, Pierre-Oscar-Lévy, à la fois dessinateur, peintre et cinéaste (en 1983, palme du court-métrage à Cannes !). Le thème central de Château de sable est le temps, cet objet qui nous échappe inlassablement. Nous faisons tous l’expérience du Temps, cet ami fidèle, et pourtant, dès lors qu’il s’agit d’en fournir une définition, nous devons renoncer et avouer notre impuissance. Peeters et Lévy, eux, réussissent l’exercice. En quelques 100 pages, ils nous proposent les destins condensés de bébés, d’ados et de quadragénaires, narrés en mode « avance rapide », comme pour mieux souligner le caractère fuyant et insaisissable du Temps. C’est seulement à travers la métamorphose des corps que nous pouvons alors appréhender et saisir le temps qui passe. L’autre thème de la BD est la mort, ou plutôt la lente prise de conscience d’une mort imminente et de notre condition tragique d’être humain. Le Temps et la mort sont irréversibles, et c’est parce que nous allons mourir qu’il faut donner un sens à notre vie. A l’image d’un château de sable, la vie est bien réelle mais se révèle fragile lorsque sonne le glas. Et c’est bien cette instabilité qui la rend tour à tour angoissante, rare ou précieuse. Peeters découpe ainsi les cases, les corps et les objets, en autant d’instants fugaces, par le biais d’un trait simple et efficace, contrepoint léger d’un questionnement grave. Nous rappelant l’essence des choses, les auteurs mêlent fable onirique et chronique sociale, plongeant le lecteur dans un monde étrange et mystérieux, peuplé d’êtres soumis à la loi tyrannique du devenir et de l’éphémère. Il ne s’agit alors plus seulement de vivre, mais bel et bien d’exister. Libre de ses interprétations, c’est ensuite au lecteur de trouver ses propres réponses… Bref, voilà un conte moral sans prétention, intelligent et intéressant…