L'histoire :
Il fait chaud en Italie, en ce début d’été. Comme des garnements prêts à se moquer à la moindre occasion qui leur est offerte, Nicola et Piero épient à travers la persienne de l’appartement. Sur le balcon d’en face, au numéro 7, une mère et sa fille sont en train d’emménager. La fille, déjà à l’intérieur, n’aide pas. La mère s’agite, dirige tout et râle. Les deux copains hèlent une plaisanterie en ricanant à travers la cours. La fille s’appelle Lucia. Elle apparait à la fenêtre. Elle est de leur âge, elle est méga belle. Les deux copains n’ont pas fini d’en causer et de se chicaner à son sujet. Ils viennent d’obtenir leurs examens, ils sont à un tournant de leur vie. L’un doit reprendre la boutique de son père, l’autre poursuivre ses études dans une grande ville… Mais avant cela, ils vont croiser la fille et forcément faire sa connaissance. Quelques années plus tard, Lucia est accueillie au sein d’une famille norvégienne pour y poursuivre ses études. Il fait nuit, un froid de canard. Elle est accueillie à la sortie du taxi devant le perron enneigé par Hilde, la mère de famille. Elle fait la connaissance du fils, Sven, il a son âge. Il lui plait… et ça semble être réciproque. Elle s’installe et rédige le soir même une lettre de rupture à l’intention de Piero…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
En 2010, avec le roman graphique 5000 km par seconde, l’italien Manuele Fior se gravait un nom dans le panthéon du 9ème art. Auréolé meilleur album à Angoulême (2011), le one-shot sentimental est logiquement aujourd’hui réédité, tandis que l’auteur poursuit une œuvre exigeante et puissante. C’est pourtant l’histoire classique d’adultes qui s’aiment, qui s’en rendent compte, qui se l’avouent, ou pas. Une histoire de couple, de séparation, de retrouvailles, de temps qui file, de bilan imprégné de nostalgie sur une vie sentimentale compliquée – mais y en-a-t-il des simples ? Rien que du très commun, en somme, mais tissé et dépeint avec une science consommée du non-dit, avec une intelligence aussi pointue que poétique. Modeste et pudique, Fior n’a pas l’ambition de mettre en scène une saga à travers le temps. Juste quatre séquences se complètent, se succèdent, à des moments clés de la vie des protagonistes, et suffisent à remplir les ellipses monstrueuses entre chaque, permettant de tout dire sur leur relation, leurs regrets, leurs expériences sentimentales abouties. Le dessin stylisé, à base d’élégants et maîtrisés coups de pinceaux, sur un panel de teintes retreintes à l’aquarelle, complète admirablement une œuvre qui mérite pleinement ses éloges et sa réédition.