L'histoire :
Comparé à une bête de travail comme Picasso, pourtant, Duchamp passe pour un doux dingue. Preteseille révèle dès les premières pages que Duchamp aimait passer son temps à rêvasser, à jouer aux échecs et qu'il ne se considérait pas lui-même comme un artiste. Alors comment en est-il arrivé là, à avoir (entre autre choses) une bande-dessinée qui lui est consacrée, plus de 120 ans après sa naissance ? On découvre un fils de notaire qui part travailler dans la typographie, avant de devenir dessinateur de presse, puis artiste. Il fréquente les cubistes avant de se détacher du mouvement, un peu las du formalisme imposé. Finalement, déjà attiré par les jeux de mots, il découvre les compositions littéraires de Roussel et c'est pour lui une révélation. Il va entreprendre lui aussi de mélanger la logique et l'arbitraire. C'est en 1913 que les Américains découvrent ses œuvres jusqu'alors boudées par les Européens et que Duchamp – qui, pendant ce temps, vivote d'un poste de bibliothécaire et exerce son art comme un hobby – va devenir la nouvelle star montante de l'art moderne outre-Atlantique...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Benoît Preteseille a un problème : il est obsédé par Marcel Duchamp et par son œuvre. Marcel Duchamp est un artiste moderne, surtout connu pour être à l'origine du Ready Made. Késaco, me direz-vous ? Eh bien, pour faire simple, le Ready Made consiste, pour un artiste, à s'approprier un objet manufacturé et d'en faire une œuvre en l'état. Pour faire encore plus simple, la première œuvre Ready Made de Duchamp fut un égouttoir porte-bouteilles qu'il s'était contenté de signer de son nom. Arnaque ? Imposture ? Peut-être. Duchamp n'a pas été à l'abri de la polémique et son approche résolument décalée et, surtout, toujours fluctuante de son art, en ont fait une figure proéminente et controversée. Il faut dire qu'à une époque où les grands artistes se réunissent en groupes, en mouvements (les cubistes, les dadaïstes...) et où le sommet de la gloire est de se faire rémunérer son art, Duchamp fait figure de renégat. Mais un renégat tranquille. Duchamp s'amuse, il « fait ». Une phrase mise dans la bouche de Duchamp résumé assez bien son approche de l'art. Parlant d'une oeuvre qu'il souhaite réaliser alors qu'il est aux États-Unis, porté aux nues par la critique, il dit « Je n'ai pas l'intention de montrer cette œuvre , ni de la vendre d'ailleurs. Je la fais, c'est tout. » Voilà, il est là, il a une idée, il la réalise. Le reste n'a pas d'importance. Au fil de la vie de l'artiste, on découvre surtout quelqu'un souhaitant explorer et s'amuser de l'art. Le concept du Ready Made ? Tout simplement prendre un objet quelconque et sens intérêt et lui conférer un sens à travers un nouveau nom. Parfois, aussi, de la pure paresse. Un drôle de loustic, aussi, qui semble se complaire à insérer des sous-entendus scabreux dans ses œuvres, dans leurs titres. C'est un défilé incessant d'inspirations et de concepts avec, en filigrane, une vie privée finalement peu intéressante. Duchamp vit surtout en célibataire et produit. Enfin, Marcel Duchamp, quincaillerie, pourquoi ce titre ? Peut-être parce que Duchamp, c'est le quincailler de l'art. Quelque soit votre besoin, vous le trouverez là. Artiste ou escroc, il aura en tous cas marqué l'art de son siècle. L'ouvrage fait la part belle aux différentes œuvres de Duchamp, sans jamais vraiment les expliquer ou les analyser au-delà des commentaires de l'artiste ou celles des critiques de l'époque. On découvre un type fascinant dans sa modestie, quelqu'un capable de passer un temps fou à jouer avec les angles, la géométrie pour finir par vendre un peigne signé de sa main, comme ça. Pour rire, sans doute. Ceux qui souhaiteraient se faire une culture en devenant incollables sur l'artiste en seront pour leurs frais car Marcel Duchamp, quincaillerie, c'est surtout une promenade aux côtés d'un Duchamp qui fait un truc en en expliquant un autre. On survole, mais on n'entre jamais et c'est peut-être mieux ainsi. Il vaut mieux lire Marcel Duchamp, quincaillerie comme Duchamp a créé : à l'envi, dans le désordre, quand ça nous prend. Une jolie curiosité.