L'histoire :
Les mémoires d'un arbre : En automne, un arbre se fait découper par un bûcheron. Avant de mourir, voilà pour lui l'occasion de se souvenir avec mélancolie de ses racines. Il y est question d'un peintre pris au piège entre deux groupes d'esthètes, l'un aimant son tableau de l'arbre, l'autre le détestant. Tout cela finira par une pendaison au bout d'une branche...
L'enfant-fleur : Un ado rentre de l'école lorsque, surpris, il aperçoit sa mère en train de tromper son père. La scène lui donne des idées. Il fait son affaire et la semence atterrit dans une tulipe qui, le lendemain, se met à parler...
La fille fantôme : Une petite fille compte sur le calendrier le nombre de jours restants avant que son père ne revienne du travail. Elle l'attend avec impatience, triste de ne le voir que trop rarement à son goût. Youpi, il arrive demain ! Seulement voilà, une fois revenu, le papa préfère s'enfermer dans la chambre avec sa mère ou couper du bois, sans jamais s'occuper de sa fille... Ou l'histoire d'une enfant délaissée par des parents peu aimants...
Le marais : Un petit enfant laissé sans surveillance est à deux doigts de se noyer dans un marais. Mais un mutant vert, familier des lieux, le sauve, ne suscitant que la colère du petit garçon, sans doute effrayé. Des années plus tard, le marais aura disparu et les immeubles auront tout colonisé. Mais un revenant ne le voit pas de cet œil...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Après le réussi Les fabuleuses chroniques d'une souris taciturne chez le même éditeur, Martin Romero inaugure une nouvelle collection (Ichor) avec Les Épisodes lunaires, recueil d'histoires courtes réalisées entre 2007 et 2012, retravaillées et mises en couleur pour cette édition. Martin Romero était à l'aise dans le noir et blanc, il démontre ici qu'il l'est tout autant avec la couleur, la grande réussite de cet album. Baignant dans une douce mélancolie, le livre varie les teintes désuètes (ocre, sépia, vert fade, jaune délavé) comme pour pointer le passé révolu, fardeau heureusement lointain ou souvenir d'illusions douloureuses, imagés par un bestiaire fantastique peuplé de morts-vivants, de loups-garous amoureux, de mutants extraterrestres. Sa mise en couleur, élément narratif à part entière, matérialise le temps, incarne humeurs et sensations, leur donne une épaisseur touchante au diapason de sentiments on ne peut plus humain et d'un graphisme d'une douceur enfantine. Huit épisodes aux titres évocateurs et poétiques se font donc écho, mettant en scène des « monstres » qui tendent, sous la forme de fables symboliques ou oniriques, le miroir d'âmes tourmentées, en souffrance et hantées par leurs démons. La Lune a donc fui la nuit, laissant en pleine lumière une essence mise à nu, traduisant les états psychologiques transitoires et changeants de personnages qui grandissent. Romero décrit un monde fantomatique presque abandonné par la lumière, mais lumineux de lucidité et d'émotion, qui bascule dans une mélancolie heureuse. Le genre de livre bien senti qui reste encore longtemps en tête une fois refermé. La Lune a bien mérité un petit sommeil.