L'histoire :
Une locomotive charbon-vapeur tire un train voyageur à travers un paysage montagneux. Devant la chaudière au poste de commandes, deux bandits, des frères siamois reliés par le ventre, menacent le machiniste d’un révolver : ils exigent que ce dernier détourne son convoi vers Vaduz, au Lichtenstein. Le conducteur désespère de leur expliquer qu’il est impossible de faire changer de direction à un train : ce dernier obéit forcément au tracé des voies… Dans un wagon derrière, le chef des « terroristes », un baron portant haut-de-forme, réveille un gros moustachu endormi. Il s’agit d’un alchimiste sensé leur transformer le plomb en or, afin de financer leur révolution, le renouveau du grand Lichtenstein. Mais le gros n’a pas l’air bien doué : il arrive juste à distiller du pastis – fort goûtu, par ailleurs. Les choses se compliquent lorsque Dieter, le vigile à l’arrière, repère que la charge des guérilleros San-Marinais se rapproche. Le baron fait alors intervenir les trois soldats de sa garde impériale. Pour ne pas inquiéter les passagers, la petite troupe rejoint alors la passerelle arrière en passant par les toits du train. Ça va charcler…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Le tirage de 900 exemplaires, lors de la première édition des Miettes chez Drozophile en 2001, ne démocratisait pas à sa juste mesure ce petit bijou d’aventures absurdes et lyriques. Dans la lignée de l’œuvre de Fred, l’intégralité des conjonctures politico-débiles auxquelles il nous est donné d’assister se déroule ici à bord d’un train lancé à pleine vitesse. Un train qu’un groupe de putschistes mégalos et bras-cassés tente de détourner vers le Lichtenstein. Réfléchissez une seconde : détourner un train… ça commence bien ! Ensuite, chaque protagoniste est superbement foutraque : un baron à haut-de-forme et nœud-pap qui fume la pipe, des jumeaux rendus siamois a posteriori par une greffe ventrale, un alchimiste ventripotent à moustaches, un trio de soldats pas bien doués, des guérilleros à profusion et à cheval… Sans oublier un hindou « charmeur de voies » (piqué à Fred dans son Philémon) qui a trop bu de pastis. Tous participent d’un joyeux ballet burlesque qui les conduira bien ailleurs qu’à Vaduz. Le scénariste Ibn al Rabin qui, comme son nom l’indique, est suisse (Mathieu Baillif en vrai), magnifie cette partition narrative par des dialogues au cordeau, truffés de néologismes idiomatiques. Le somptueux dessin semi-réaliste, en bichromie d’aplats noirs-bruns, se place dans le juste ton, signé par son compatriote Frederik Peeters – juste avant qu’il ne produise son chef d’œuvre, Les pilules bleues. Une question reste toutefois en suspens : pourquoi cela s’appelle-t-il « Les miettes » ?