L'histoire :
Avant de se retrouver la corde au cou dans ce beau pays chaud, Edgar vivait super loin. De l’autre côté de la mer. Le bled est déserté depuis si longtemps, d’ailleurs, qu’Edgar n’en connait même plus le nom. Il croit aussi en être le dernier survivant : les guerres et les épidémies sont passées par là. Aussi, pour ne pas finir comme eux, notre bonhomme décide un beau jour de partir. Sac sur le dos et petit gris-gris en or offert par Mémé, il prend la direction du Sud, vanté depuis belle lurette comme étant l’Eldorado. Il sait qu’il lui faudra traverser la mer pour que, de l’autre côté, il ait de quoi vivre. Oh ! Il ne demande pas grand-chose : juste un petit taf tranquille pour finir ses jours pépère. En attendant, il a de la route à faire. Il commence par descendre la colline pour s’apercevoir d’ailleurs qu’il n’est jamais allé aussi loin de chez lui. Après quelques jours de marche, il traverse des vieilles cités, dort dans des vieux musées qui ne servent décidément à rien. Après, et bien avant de trouver un passeur, il se coltine un vieux barbu qui connait le chemin à suivre mais qui a la langue trop bien… pendue.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Une corde au cou avec joli nœud coulant pour collier, le mec sirote le dernier godet du condamné. Son hôte, la mine draculesque du gars prêt à lui suçoter les veines ou à calancher dans la minute qui vient, écoute le Gus s’épancher, avant qu’il ne retourne sur le gibet. Pourquoi ? Comment ? C’est là tout l’objet de cette fable acide, déroulée à dose d’humour noir parfaitement distillé et mettant en scène le voyage de notre Edgar : de sa bonne vieille Europe en ruine jusqu’à sa potence d’Orient. Voyage, rencontres de vagabondage, guerres violentes, île mirifique et joli gain de loterie construiront cette destinée au cynisme ciselée. Surtout, l’ensemble s’amusera à montrer notre univers tel qu’il pourrait devenir, en poussant juste un brin les curseurs. Ceux de notre égoïsme, de notre méchanceté ou de notre indéfectible besoin de marcher sur la tronche du voisin pour survivre encore un peu. La fable joue une partition grinçante de la nature humaine, soulève quelques-unes de nos problématiques (les flux migratoires, les rapports Nord-Sud, le devenir de la culture…) et se gausse de son pessimisme de bout en bout. Les dialogues sont fleuris et percutants, les protagonistes de parfaits méchants ou d’impeccables salopards, pour rendre l’ensemble aussi drôlement noir que captivant. La partition graphique met habilement en scène ce véritable petit conte d’anticipation. Elle use en particulier de masses d’encre de Chine très à propos et offre des gueules donnant très envie de ne pas vivre assez longtemps pour les voir en vrai.