L'histoire :
Avant les premières lueurs de l’aube, Catherine attend dans sa voiture, garée sous une statue de la ville. Un premier individu sort d’une gare et toque à son carreau. C’est un rasta, noir, à capuche. Il fume un gros bédo et s’installe sans un mot sur la banquette arrière. Un vieil homme arrive ensuite en Vélib’ et s’installe côté passager. Un dernier et quatrième jeune homme se fait remarquer en arrivant : il sort éméché d’une Limousine dans laquelle des bimbos à petites tenues se trémoussent sur les basses à fond. Ils ne se connaissent pas, mais se sont trouvés sur Internet pour accomplir un ultime destin commun : leur suicide. Ils commencent par jeter leurs téléphones portables à la poubelle, puis partent s’isoler dans un coin de campagne. Un tuyau est alors branché au pot d’échappement, relié à l’intérieur de la voiture pour l’asphyxie fatale. Il n’y a plus qu’à s’installer et attendre. Comme convenu, le vieil homme lit quelques vers d’un poème japonais. Mais l’attente est anormalement longue. La nature s’éveille, le jour se lève, une chasse à courre passe, des touristes s’installent pour un pique-nique… L’un d’eux comprend qu’ils tentent de s’asphyxier à partir d’un pot catalytique, ce qui va leur demander des jours ! Caramba, il leur faut trouver un autre biais de suicide…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Ils veulent se suicider parce qu’ils ont raté leur vie… mais ils ne s’attendaient pas vraiment à rater (aussi) leur mort. Dans cette histoire, quatre quidams qui ne se connaissent pas tentent, en vain, d’organiser leur suicide collectif. Malgré les atours morbides de cette intention, ce one-shot se montre finalement très fun, de par son ton léger et son dessin coloré, ostensiblement humoristique. Il y a en effet mille moyens rigolos de foirer son suicide (surtout lorsque la pulsion de vie est aussi forte). Au gré des échecs de leur groupe composite, de leurs petites engueulades et de leurs biais de contournements, le lecteur découvre ce qu’ils s’étaient interdit de révéler : leur identité, leur personnalité, le problème à l’origine de leur envie d’en finir. C’est à travers ces aspects que le récit d’étoffe, mais c’est aussi par ce bais qu’il y perd un peu en crédibilité. Leurs problèmes sont certes irrémédiables et peuvent inciter à en finir… mais ils dévoilent surtout des tempéraments foncièrement positifs, en inadéquation avec l’oppressant besoin de mort que ressentent réellement les vrais candidats au suicide. Cela dit, cet axe de développement optimiste ainsi que le traitement graphique humoristique sont aussi ce qui fait « accepter » l’histoire, qui serait in abstensia forcément dérangeante.