L'histoire :
Paris 1910, au bal Bullier, la fête bat son plein et les jeunes gens s’amusent bien. Le peintre Robert Delaunay et un de ses amis scrutent la foule. A n’en pas douter, son ami Fabian Lloyd (qui deviendra Arthur Cravan) s’est encore assis sur sa palette de couleurs quand il est venu boire un coup à son atelier. Le peintre est agacé : au prix que coûtent ces couleurs ! Le costume entaché, chaussettes dépareillées, le dandy géant fait valser sa cavalière. Au petit matin, quand il rentre chez lui, Fabian Lloyd croise des ouvriers de son immeuble qui partent travailler. Ces derniers le préviennent que la concierge le cherche pour lui réclamer ses loyers impayés. L’ennui, c’est que le fêtard est fauché et qu’il n’envisage pas de travailler pour gagner sa croûte : cela est incompatible avec sa vie de centaure.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Jack Manini a passé plus de deux années à travailler sur cette biographie de 210 pages consacrée à ce personnage provocateur qu’est Arthur Cravan. Né à la fin du XIX° siècle en Suisse, ce géant de plus de 2m, toujours coiffé d’un chapeau melon, se fera surtout connaître en qualité de poète et de boxeur. Neveu d’Oscar Wilde, comme il aime à le répéter à qui veut l’entendre, il sera l’un des précurseurs du mouvement dadaïste. Jack Manini nous fait découvrir un personnage à l’ego prononcé qui suscite des sentiments ambivalents : il peut apparaître insupportable comme envoûtant. Cet homme a mille facettes et cultive un certain brin de folie : un peu escroc, critique artistique acerbe, déserteur, coureur de jupons, il peut se montrer insaisissable, séducteur, audacieux, fébrile ou imprévisible. Même sa mort à 31 ans restera un mystère. Divisé en 4 parties qui correspondent aux endroits où a vécu Cravan, ce récit est jalonné de ses citations poétiques. Le lecteur pourra également se reporter à un film d’époque que Jack Manini référence dans son ouvrage. La narration est plaisante, car le récit est rythmé par une action permanente et des dialogues bien ciselés. Ayant souvent recours à des gros plans, Jack Manini a optimisé son travail. Son trait est fluide, plaisant, avec des encrages prononcés. Une bien belle manière de découvrir un personnage hors du commun.