L'histoire :
A la Nouvelle Orléans, le fantôme facétieux de Louis Armstrong a décidé de filer un coup de pouce à quatre vieux jazzmen qui refondent un groupe, 40 ans après avoir loupé leur heure de gloire. Dans un premier temps, ils retrouvent Cornélius, un as de la trompette qui trimballe de vieux fantômes et se fait oublier en étant pompiste. Avec bien du mal, ils parviennent à la convaincre de les rejoindre puis dénichent un producteur qui accepte de les financer pour repartir en tournée. Alvin à la guitare, Oscar à la batterie, Daroll à la contrebasse et Cornélius à la trompette écument donc les pires bouges du bayou. Dans un premier temps, ça leur permet de se refaire la main et éventuellement de récolter quelques maigres cachets. Mais les plans pourris s’enchainent et ils s’estiment heureux lorsqu’ils sont tout juste défrayés. Entassés à quatre dans un pick-up bringuebalant, ils endurent tant bien que mal une vie nomade, sans cesse ponctuée de souvenirs lourds, très lourds. Car Cornélius ne s’est jamais remis de la mort accidentelle d’Angélina… et Alvin semble avoir lui aussi beaucoup souffert de leur séparation. Que s’est-il passé, 50 ans plus tôt, dans cette Amérique du sud très ségrégationniste ?
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Après un premier tome réjouissant, ce second opus complète et conclue dans la même veine un diptyque admirable. Sur un rythme empreint de nostalgie et très légèrement teinté de fantastique (avec le fantôme d’Armstrong pour forcer le destin), l’intrigue mise au point par Philippe Charlot, ancien guitariste professionnel, avance sur deux fronts. D’une part, on suit le périple pathétique des quatre papys musiciens qui repartent en tournée comme du temps de leurs 20 ans, en écumant les plans loose et les remises en questions. D’autre part, à grands coups de flashbacks intercalés, on apprend ce qui s’est exactement passé 50 ans plus tôt et qui a ruiné la carrière et l’amitié d’Alvin et de Cornélius. Evidemment, entre eux, il y avait une femme… Avec son dessin ultra réaliste crayonné et rehaussé d’une colorisation experte signée Sébastien Bouet, le visuel d’Alexis Chabert joue admirablement la carte du jazz, c’est-à-dire feutré dans l’ambiance et néanmoins pointu dans le détail. C’est vraiment génial lorsqu’une somme de boulot talentueuse se met aussi bien en harmonie avec son intention narrative. Le ton du premier tome n’en faisait déjà pas mystère : la fin de tournée tourne à la rédemption et la résilience dans ce second volet. La conclusion sera tout aussi heureuse que tragique… Mais on n’en dit pas plus : installez-vous dans un fauteuil club et « écoutez » ce tome 2, en l’accompagnant d’un verre de Bourbon…