L'histoire :
Frank vient juste d'avoir quarante ans, et depuis quinze ans il porte la tenue du Marshall Jake « Wild Faith » Johnson dans un village du far west reconstitué pour les touristes. Tous les soirs, un duel l'oppose à Butch Cassidy, devant le public enthousiaste, quand les rivaux s'interpellent, puis finalement dégainent leurs colts. Mais ce sera son dernier soir. Le patron lui annonce en effet qu'il doit être remplacé par quelqu'un de plus jeune, afin que le show reste crédible. Frank n'a pas le choix, même s'il sait bien que rien dans ce show n'est fidèle à la réalité de l'époque : ni les costumes, ni la bio officielle des personnages souvent totalement romancée pour coller à l'image rêvée de l'Ouest américain. Le lendemain, il embarque dans un voyage organisé en bus vers la Vallée de la Mort. Et lorsque les voyageurs mettent le pied dans un premier lieu mythique au milieu des monticules de pierre rouge, les conversations commencent. A la première intervention de la guide, Frank la corrige avec virulence. Il n'est d'ailleurs pas le seul. Dans le petit groupe qui se met en marche pour traverser les paysages, un ancien marine critique la vision idyllique des indiens pacifiques. Et très vite, les conversations s'enveniment. La nuit tombée, ils rentrent se coucher au Monument Motel. Frank décide d'aller marcher un peu, et en plongeant à nouveau dans les paysages fabuleux, il fait la rencontre d'un indien assis sur un rocher.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Voici un nouveau one-shot hors des sentiers battus pour Bruno Duhamel, qui se distingue de ses précédents travaux par une sorte de rage inattendue, une colère retenue qui monte page après page de manière sidérante. Le personnage de Frank est un prétexte pour évoquer les faux semblants de la bien-pensance d'une part, mais aussi la complexité de l'Histoire, qui se résume rarement à des gentils d'un côté et des méchants de l'autre. A mesure que le récit avance, on est surpris par la tournure qu'il prend, à commencer par les premiers échanges très agressifs à la sortie du bus qui mettent un terme à une entrée en matière d'une drôlerie un peu amère. Duhamel ne nous ménage pas, il amène chaque personnage à affirmer sa propre vérité, toujours différente de celle des autres, avec parmi eux quelques touristes normaux qui semblent bien naïfs. Et progressivement la violence verbale se rapproche de la violence tout court. Le contraste entre le style semi-réaliste de Duhamel et la dureté de son histoire devient saisissant, le dessinateur en joue en virtuose avec son incroyable maîtrise. Car disons-le tout net, cet album est le plus impressionnant graphiquement de cet auteur qui bosse beaucoup, et creuse son sillon de plus en plus singulier. Quelques pages sont tout simplement fabuleuses de mise en scène en début d'album, ou de beauté plastique dans les paysages desséchés par le soleil. Mais avec ce ton très dur, Bruno Duhamel franchit un cap qui donne une idée de tout ce qu'il peut encore explorer, et il surprendra bon nombre de lecteurs. Un western contemporain que l'on n'attendait pas.