L'histoire :
Sur une petite île, un jeune grec écoute avec fougue un aède aux yeux bandés chanter l’Iliade, et notamment une description d’Achille au pied léger fondant sur les guerriers troyens. Mais alors qu’il rêve aux exploits guerriers du héros, des pirates attaquent son village. Tous les habitants fuient dans les montagnes, vers l’acropole, afin de se protéger. Les guerriers en armure regardent les pirates du Pont-Euxin débarquer et piller leurs biens. Le jeune Philoklès, lui, essaie de fanfaronner auprès d’une fille mais il est rabroué par un guerrier. Alors qu’il va se faire embrocher, son père, le pêcheur Eumée, s’interpose et demande pardon pour lui. Le lendemain, après le pillage, il ne reste rien. Alors que le guerrier de la veille veut battre une femme qui pleure, au motif qu’elle démoralise le village, Philoklès lance un début de révolte. Le stratège, pour apaiser les tensions, accède à la demande du jeune homme. Une armure et des armes lui sont données, charge à lui de voguer pour lever une armée et se battre contre les pirates. Sa première escale, à la demande de son père, sera pour demander une prophétie au devin Tiresias.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Rêver peut-il suffire ? Philoklès rêve d’Achille et se voit propulsé sauveur de cité. Le jeune pêcheur n’est pas un guerrier et va rapidement l’apprendre à ses dépens. Mais ses créateurs, Serge Latapy et Mark Eacersall, montrent le lien indissoluble entre le rêve et la réalité. Dans une Grêce mythologique, où les aèdes, ancêtres des bardes et troubadours médiévaux, font figure à la fois d’historiens et de conteurs censés créer du lien culturel entre les îles et un imaginaire collectif. Le plus connu d’entre eux, Homère, à qui on attribue l’Iliade et l’Odyssée, histoires de la guerre de Troie et du retour chaotique de son vainqueur, Ulysse, Homère donc, est un aède aveugle comme celui qui, au début de l’histoire, met dans l’esprit du jeune héros les rêves de gloire accrochés aux pieds agiles du divin Achille. Le lien avec Homère ne s’arrête pas là puisque le père du jeune Philoklès s’appelle Eumée, comme le fidèle porcher d’Ulysse qui l’aidera à massacrer les prétendants. Le scénario est bien documenté et plein de références que le lecteur avisé voit surgir avec délectations. Les pérégrinations de Philoklès rappelent les dérives d’Ulysse, même s’il s’agit là d’un pêcheur naïf qui apprend la vie et les systèmes sociaux et politiques des différentes îles où il accoste. Le séquençage laisse la part-belle aux silences, à la narration visuelle d’Amélie Causse qui s’amuse des physionomies carrées et des nez aquilins. Le trait fin est agréable, mais ce sont les couleurs chaudes qui mettent entre les cases la lumière de la Méditerranée. L’album est agréable à lire, et on se prend à l’histoire de ce jeune homme à l’esprit chevaleresque, courageux, mais maintes fois humilié, qui n’est pas sans rappeler les grandes heures de Fabrice del Dongo.