L'histoire :
Assane Diaye est inspecteur de police. Ses collègues l'appellent Nutella, non pas en raison de sa couleur de peau, mais parce qu'un jour lointain, il a gagné son poids en pâte à tartiner, et qu'il en a fait profiter tout le quartier. Avec son collègue surnommé Light, ils enquêtent sur le meurtre de prostituées d'origine italienne. En dehors de la cruauté des crimes, il est difficile pour eux d'établir un lien entre des lieux et des situations visiblement très différents, si ce n'est que les jeunes femmes se connaissaient. Assane est célibataire, divorcé et sans enfants. C'est en tout cas ce qu'il s'empresse d'expliquer à la jeune femme qu'il invite à boire un verre après l'avoir vue nager à la piscine municipale. Elle vient accompagner une vielle dame qui tente de vaincre sa peur de l'eau, à plus de quatre-vingts ans. Le charme opère visiblement, même si la jeune femme ne se confie pas vraiment. L'enquête de police va progresser en parallèle avec la relation amoureuse, chacune porteuse de révélations qui vont profondément déstabiliser Assane.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Dès les premières cases de cet album, très souvent trois par page, avec des lavis de couleurs uniques et fascinants, Laurent Bonneau montre de quelle manière il va donner au récit une dimension visuelle unique. Le dessinateur poursuit dans la veine qui le rend reconnaissable sans coup férir, ce mélange étonnant de traits précis et de couleurs fondues, ces images peintes qui semblent par leur texture exprimer les sentiments. Il montre à chaque page une réflexion évidente sur les exigences du récit, et une grande conscience du potentiel des atmosphères qu'il crée. Le rythme s'installe, lent et dense, dès la première minute. Les sauts dans le temps prennent leur sens à mesure que la lecture progresse, et très vite, on comprend qu'il ne faut surtout pas survoler cet album. La relation amoureuse qui se construit est aussi prenante que l'enquête policière, les changements de ton mis en scène par Zidrou sont parfaitement réussis, avec des scènes légères et drôles. Les enchaînements brusques se succèdent sans que le lecteur perde pied, et le scénariste surdoué montre une fois de plus sa capacité à nous surprendre. On relit ce livre dès qu'on l'a terminé, pour mieux apprécier sa construction, et pour se plonger plus longuement dans quelques double pages sombres et belles. Zidrou et Bonneau étaient faits pour se croiser, chacun fort de son style, remarquablement complémentaires. Une formidable collaboration !