L'histoire :
En Ouganda, dans la région de Kotido, le « camp de déplacés » de l’ONG Médair accueille David, son nouveau médecin. Docteur et psychiatre, ce dernier se met dès son arrivée au travail : nourrir, vacciner, soigner… mais aussi et surtout parler. Car le camp accueille depuis quelques jours un jeune garçon d’une dizaine d’années, Otieno, fraîchement évadé d’une milice d’enfants tueurs. Chaque nuit, Otieno est en proie à de violents cauchemars et son passé récent lui vaut une attention toute particulière et méfiante de la part de Milton, un autre membre de Médair dont les propres enfants ont été victimes de ces jeunes rebelles. Mais David lit derrière le regard froid d’Otieno le poids de l’horreur. Avec patience et compréhension, il s’efforce alors tant bien que mal à instaurer une relation de confiance et l’incite à lui raconter son histoire. Peu à peu, avec ses mots d’enfants, Otieno parle alors d’un ogre qui les a surpris, lui, son petit frère Nelson et sa grande sœur Grâce, un jour qu’ils puisaient de l’eau à la rivière…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Parrainé par l’ONG Medair qui intervient auprès des victimes oubliées dans les pays en crise, ce one-shot est scénarisé à 3 mains (Barroux, Boinet, Bonifay) et dessiné, sur un style réaliste de moyenne facture par Juliette Derenne, qui quitte les décors de La compagnie des glaces pour les latitudes africaines. Tout d’abord, le récit retranscrit de manière très réaliste le quotidien des hommes et des femmes qui travaillent dans l’humanitaire. Loin des projecteurs des médias, Medair aide en effet chaque année 3 millions de personnes en danger dans des zones reculées d’Ouganda, Angola, Iran, Afghanistan, Soudan, Congo… Sous un climat en général peu favorable, il faut alors subvenir en urgences aux besoins vitaux : eau, nourriture, santé, logement. A ces cadences de travail infernales, s’ajoute l’anxiété d’être les prochaines victimes de la sauvagerie aveugle de milices d’enfants soldats. Car Les oubliés propose également une lecture de ce que l’humanité a sans doute produit de plus abject : l’embrigadement d’enfants innocents, transformés en tueurs froids et décérébrés. L’histoire difficile d’Otieno par lui-même, avec ses mots d’enfant, nous permet d’appréhender la monstruosité que les jeunes victimes partagent dès lors avec des remords irréparables. La fadeur du happy-end, sans doute nécessaire, ne parvient pas à nous soulager de ce récit intense et, hélas, inspiré d’une histoire vécue…