L'histoire :
Première guerre mondiale. Ferdinand Tirancourt ravitaille en vin les combattants des champs de bataille du Nord de la France. C’est un homme cynique. Pour lui le sang qui gicle du corps des soldats français doit avoir une belle couleur bordeaux, comme le vin qu’il vend. Quand la bleusaille a eu son quart, elle ne tremble plus, mais s’agrippe à son fusil. A la demi-bouteille, elle commence à lever la tête au-dessus de la tranchée. Après un litron, quand il faut partir à l’assaut du feldgrau, le tire-au-flanc se transforme en héros, le cabot en général, le bas-du-cul en géant. Quand on parcourt les tranchées, mieux vaut avoir de bonnes bottes ! Pas pour la boue ou les rats, mais parce que c’est le royaume du verre. Les cadavres de bouteilles sont comme un ruisseau verdâtre qui scintille au soleil et brasille sous la pluie…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Les BD qui relatent l’horreur de la première guerre mondiale sont très nombreuses, mais l’approche de de cet album est plutôt originale. Pour faire face aux atrocités des combats, se donner du courage, les poilus consommaient en effet et en très grande quantité du vin (souvent de piètre qualité). Même pour l’Etat-Major, cette consommation excessive était un mal nécessaire pour envoyer leurs jeunes recrues au carton. Philippe Pelaez (scénariste) et Francis Porcel (dessinateur) ont choisi pour héros un négociant en vin qui s’enrichit sans vergogne en vendant son alcool aux armées. Ce profiteur de guerre est un être sans scrupule ni morale, prêt à n’importe quel coup bas pour s’enrichir. Pour écouler sa vinasse, Tirancourt va au plus près de la ligne de front. Il sera le témoin d’une scène qui, pour une fois, ne va pas le laisser indifférent. En l’espace d’un instant, il va passer du statut de salaud à celui de héros en prenant des risques inconsidérés. Cet acte de bravoure va être un point de bascule dans ce récit : après avoir insisté lourdement sur la consommation d’alcool dans les tranchées et dépeint un pinardier des plus exécrables, c’est une aventure individuelle qui débute. Malheureusement rattrapé par son passé, Tirancourt va connaître de nouveaux déboires que le lecteur découvrira dans un prochain album. C’est un récit au scénario sombre mais plutôt prenant, avec un personnage principal peu recommandable. Quasiment la moitié de la narration est faite en voix-off : le héros relate sa vision très critique de cette guerre sordide et la réflexion qui le conduit à agir au profit des soldats. Les textes, les dialogues sont souvent bruts, virils et renforcent le caractère rude du contexte. Le dessin réaliste de Francis Porcel est plutôt simple, sans fioriture mais expressif. Il restitue avec justesse l’horreur des champs de bataille.