L'histoire :
De nos jours, Susana arrive, avec sa valise, à l’adresse « Acacia 22 », pour recevoir les clés de son nouvel appartement, en colocation. Or 50 ans plus tôt, une jeune femme qui lui ressemble étrangement et qui s’appelle également Susana, arrive elle aussi pour prendre possession des lieux en tant que locataire. A 50 ans d’intervalle, les deux Susana empruntent à peu près les mêmes étapes. Une adresse sur un papier/un smartphone, une valise à porter/à tirer, un renseignement pris auprès d’un passant et enfin le rendez-vous devant la porte de l’immeuble. Les Susana font chacune la visite d’un appartement qui leur plait immédiatement. La Susana d’aujourd’hui a cependant un moment d’inattention – elle reçoit un SMS sur son smartphone – au moment où on lui explique le démarrage complexe du chauffe-eau (une antiquité). Bon, tant pis, il faudra bien qu’elle se débrouille par elle-même lorsqu’elle aura besoin d’une douche ! Elle accepte les clés, referme la porte et publie une photo de son nouveau départ sur les réseaux sociaux. Le lendemain matin, au moment de la douche (après consultation des réseaux sociaux), impossible de réussir à mettre en route le chauffe-eau. Elle perd du temps, s’énerve et finalement elle file à son nouveau boulot sans s’être lavée et en retard. Sa nouvelle chef Sandra l’accueille logiquement très froidement et lui explique ce que l’entreprise attend de son job de graphiste…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Acacia 22, c’est l’adresse d’un appartement, dont deux jeunes femmes qui se ressemblent comme deux gouttes d’eau et s’appellent toutes deux Susana, se rendent locataires… à 50 ans d’intervalle. Mis à part leur environnement qui n’est évidemment pas le même, elles sont véritablement sosies, à la fois dans leurs silhouettes, mais aussi leurs comportements, leurs prénoms, leurs ingénuités vis-à-vis de l’indépendance qui s’ouvre à elles. La différence vient de ce que la Susana de 1970 a des ambitions d’écrivain, tandis que la Susana de 2020 est graphiste dans une grande firme. Ce pitch de départ est l’occasion pour l’auteur mexicain Edgar Camacho – dont c’est ici la première publication en France – de jouer avec le découpage, les planches parallèles, le ping-pong des situations similaires ou différentes… Cependant, mis à part l’exercice de style, on ne voit pas bien quel autre propos il véhicule. Il y a certes un regard désarmé, certes un peu convenu, sur le temps qui passe et flétrit tout, inéluctablement. Il y a aussi une légère critique de notre société moderne, à travers le diktat encombrant des réseaux sociaux pour l’une ; et une leçon sur la vanité de la vie, à travers la désillusion artistique de l’autre. A part ça, le lecteur se contentera de suivre les portraits croisés de deux destins parallèles, mis en scène à l’aide d’une narration graphique réussie, via un dessin stylisé anguleux abouti et cohérent. On note la logique variation de colorisation, dotée de teintes variées et contrastées à notre époque, mais sépia et délavées en 1970.