L'histoire :
Antonio De Quevedo Y Tortïllas. Un nom certes complexe, à s’y perdre, mais au combien fameux ! L’enfant qui court dans les rues de cette cité au couchant rêve simplement d’être le roi dont les aventures sont légendes. Un jour, c’est sûr, il sera tel Antonio De Quevedo Y Tortïllas ; pour l’instant il est déjà l’heure pour lui d’aller dormir… Parcourant le ciel, une étrange créature, mi-femme mi-oiseau, sirène ou harpie, transportent en ses serres un tout aussi mystérieux personnage drapé d’une lourde étoffe rouge. Il vient au palais y recueillir la confession du roi qu’il note précieusement dans un énorme livre. Il est la mémoire du royaume et bien qu’il soit difficile à Antonio de se souvenir, il accepte de conter les débuts de ses aventures. L’histoire d’Antonio De Quevedo Y Tortïllas, si incroyable qu'elle soit, commence en Orient, sous une accablante chaleur, en plein désert de sables et de roches. Sidi-Ferruch, 1830 - l’Aragonais menait un corps expéditionnaire français en quête de richesses fabuleuses, de trésors, pierres et autres aromates inestimables gardés dans la Tour D’el Dïrssoûm. Le soir venu, leur chevauchée est enfin récompensée : la citadelle se dresse à leur pieds, à la verticale d’une falaise. Mais au moment où ils galopent pour la rejoindre, un spectre ou sorcier surgit des entrailles de la Terre, leur barrant la route...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
La première chose qui vient à l’esprit en feuilletant cet album est ce visuel si particulier (et pertinent) qui fait penser aux œuvres de Moebius, alias Jean Giraud. Un choix graphique en parfaite adéquation avec l’ambiance picaresque dont s’inspire l’Orgueil de Tortïllas. Au XVIe siècle, de nombreux hommes rêvaient de parcourir le Nouveau monde récemment démultiplié ; ils caressaient l’espoir de richesses fabuleuses quand le quotidien ne leur destinait que misère et/ou ennui. Parmi eux, les nobles espagnols désargentés, les fameux hidalgos, s’enrôlaient dans l’armée, instrument privilégié de la conquête comme du voyage. Antonio De Quevedo Y Tortïllas marche ici dans leurs pas poursuivant la quintessence fantasmée de l’homme : la femme idéale. Mais à poursuivre un mirage, on y perd son âme… Construit autour d’un flashback filé, le conte propose ainsi une quête onirique dont l’encrage réaliste perd pied, inéluctablement. Le récit offre une place croissante au fantastique et les repères (jusqu’à temporels, au final) se brouillent, s’effacent. Planche après planche, on comprend pourquoi ce roi dément et esseulé ne souhaitait point se souvenir de ses aventures : parti satisfaire son orgueil, il semble en avoir perdu la tête et sa dignité. Allégorie de la folie du monde, David Bou Aziz signe donc un tome introductif convaincant et envoûtant. Auteur complet (scénario/dessin/couleurs), il orchestre librement la mise en abîme de son héros sur fond d’Orient rougeoyant. La Tour D’el Dïrssoûm offre une alternative originale dans une production BD souvent ressemblante : laissez-vous séduire par cette belle couverture flamboyante…