L'histoire :
Tout finit par un faire-part, celui d’un heureux évènement. Tout avait débuté par un tout autre faire-part, celui d’un ticket gagnant. L’homme que l’on surnommera bientôt Willy Baraka vient alors de gratter son premier gros lot (au moyen d’une pièce qui deviendra fétiche). Aux anges, Willy s’encourt embrasser sa femme, occupée à la vaisselle. A compter de cet instant, les coups de fils et les courriers gagnants vont s’enchaîner sans coup fait rire. Un collier hors de prix pour madame, une voiture cabriolet pour monsieur : ça roule au poil. Willy a beau jurer à sa moitié qu’elle est sa bonne étoile, que tout juste marié il est sûr d’avoir fait le bon choix, elle suspecte encore qu’il l’ait fait à pile ou face. La vie facile, on y prend goût facilement. Willy passe sa journée devant la télé et traîne le soir dans les bars. Il s’éclate aux bras d’autres filles quand sa femme découvre, elle, qu’elle est enceinte. « Tous des pourris ! », lui assure pour consolation son amie. Alors Violette (c’est ainsi qu’elle s’appelle) met les voiles et laisse à son irresponsable de mari une lettre où elle lui dit ses attentes et lui demande de se ressaisir. Oui mais voilà, Willy n’est pas le seul à avoir goûté à la vie facile. Une petite souris l’accompagne et fumant le billet, elle enfonce un peu plus le « veinard » qui grossit, grossit, grossit (!) à vue d’œil…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Il est connu, notamment pour les aventures vaseuses mais délicieuses (!) du Profesor Furia. L’anti-héros décapant de la Lucha libre pèse déjà son poids, mais Nikola Witko y rajoute quelques quintaux ! Avec ce Gros lot, one-shot intelligent et faussement pernicieux aux éditions Carabas, c’est sûr : Nikola Witko aime les « gros ». Sur un dessin délié, un trait faussement grossier, « gros nez » et noir, cette fable moderne (ben oui, y’a une souris !) brode autour des notions de hasard, de chance et de bonheur. Le bonheur : histoire de fric, de bouffe, de cul ??? Le cul, notre héros Willy Baraka en a. Un gros, d’abord au sens figuré, puis aussi premier. Tout au long du récit, on file la métaphore de la boulimie : gros lard, gros lot, grossesse… Nikola s’amuse à perdre son personnage au travers du rêve de tout un chacun. Car qui n’a pas rêvé d’oisiveté et de vie gracieuse ? Pourtant, l’idylle tourne au cauchemar et rapidement on entrevoit le revers de la médaille. L’humour cynique et désabusé masque une vraie réflexion qui affleure au détour de pages. Des scènes, comme celle de la nuit sur la plage, discussion relative à l’ordre politique mondial. La modernité de la narration fait penser à Sfar (le Petit mousquetaire), à Blain (Isaac le pirate) et l’on suit, avec appétit, ce veinard faire le yoyo. Sans merci, voire cannibale, cette histoire comme toute fable a sa morale. La boucle est finalement bouclée. En gros, c’est tout ou rien… Pari réussi.