L'histoire :
En 1557, le français Nicolas s’est laissé capturer par la tribu brésilienne des Tupinambas. Capturé pour être intégré pendant 1 an au clan indigène, y avoir une femme, y être nourri, après quoi il sera mangé. Mais la grande chance de Nicolas, c’est de savoir chanter, avec une voie fort gracieuse aux oreilles des Tupinambas. Pour profiter plus longtemps de ce talent, les Tupinambas ont décidé de le garder parmi eux, de ne pas le dévorer. Alors Nicolas s’intègre, apprend la langue, les us et coutumes, jusqu’à vouloir les mêmes tatouages tribaux – cela protège des piqûres de moustiques, parait-il ! Parmi un stock de vieux livres récupérés sur des précédentes captures, des livres moisis – hé oui, l’humidité ambiante est peu propice à leur conservation – il trouve une illustration d’un « antipode ». C’est-à-dire une illustration d’un indigène vu selon les européens. Le personnage a les jambes montées à l’envers, pour pouvoir marcher de l’autre côté de la planète. Les Tupinambas rient beaucoup de ce préjugé débile. Un jour, son ami Jean vient le chercher car le gouverneur Villegagnon le convoque au fort. Etant donné qu’il ne peut se présenter nu, Nicolas est obligé d’enfiler la vieille guenille qui lui sert de chemise. Et il accompagne Jean jusqu’au fort…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Le choc culturel et ethnique qui s’est produit lorsque les européens ont colonisé l’Amérique du Sud a assurément été d’une violence inouïe. D’autant plus quand on le considère aujourd’hui, à travers nos yeux modernes d’occidentaux « civilisés ». Au XVIème siècle, la question se posait : les indigènes étaient-ils des humains ou des animaux ? Sur ce sujet, lisez ou regardez La Controverse de Valladolid. Une représentation archaïque de « l’Antipode » synthétise le propos de cet album portant sur ce choc ethnico-culturel. Il a les jambes pliées à l’envers et il en dit long sur le niveau de connaissance et de méfiance envers ces créatures peuplant l’autre côté de la Terre. Pensez donc : ils étaient cannibales ! Certes, mais on découvre que c’était un raffinement et un sort parfaitement admis par le dévoré, qu’une férocité. Dans cette histoire un peu laborieusement et confusément scénarisée par David B, le personnage principal de Nicolas fait figure avant-gardiste d’ethnologue : il apprend à devenir Tupinamba et s’intègre à leur société au point de se confronter et de renoncer à sa culture de base. A ses côtés, on assiste aux entrechocs des considérations religieuses, conceptions philosophiques, normes sociales, portés par la finesse du dessin stylisé (encré bleu ?!) et les couleurs ternes d’Eric Lambé (Paysage après la bataille, Fauve d’or du meilleur album 2017).