L'histoire :
Victor Torrio, surnommé « Human Soap » en raison de ses facultés à glisser entre les doigts de la justice américaine, est un – voire le – parrain de la mafia à Las Vegas. Confortablement installé avec quelques jolies poupées dans le jacuzzi de son penthouse, le boss s’amuse à regarder à la télévision le show de sa fille Alice interviewée par une journaliste. Devenue tatoueuse branchée de la jet-set de Las Vegas, la jeune femme n’a pas sa langue dans sa poche. Ce qui amuse particulièrement son papa. Pourtant, quelques heures plus tard, alors que la belle s’offre un verre avec son amoureux – le fils de Don Gambino, un autre mafieux – au bar du casino paternel, la soirée tourne de la rigolade au cauchemar : la brune est kidnappée. Faut-il voir dans cet enlèvement un signe adressé par les frères Zetas (des narcotrafiquants totalement cinglés) au frère d’Alice en raison d’un deal foiré ? Toujours est-il que Don Torrio met un de ses plus fidèles chiens de chasse sur l’affaire en la personne de Bronson. Un sac de 2 millions de dollars en main et accompagné d’Iceberg, un peu sympathique tueur à gage, il a pour mission de retrouver Alice, de tuer tous les ravisseurs et de ramener la rançon. Tout un programme…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Bronson… C’est lui le « Bag Man » ! Lui, le bonhomme qui vous regarde méchamment sur fond rouge en première de couverture, la veste probablement trouée par une balle perdue. Lui, qui trimballe, avec un tueur à gages pour tendre escorte, un gros sac de 2 millions en liasse de billets verts. Lui, qui doit récupérer la fille d’un parrain de Las Vegas kidnappée. Et surtout lui, qui va se mettre dans de jolis draps. Le tissu deviendra d’ailleurs rapidement rouge-sang au rythme d’un polar noir comme les ailes d’un oiseau de mauvais augure : fric, dope, entourloupes, recomposition familiale expéditive, défouraillage tout azimut, vengeance et kilotonnes de macchabées au menu… Pour sa première BD en solo, Amazing Ameziane joue avec ce qu’il aime : l’univers mafieux américain, le polar sans concession, le jusqu’auboutisme des protagonistes et les codes cinématographiques du genre – option Tarantino parfaitement assumée et maîtrisée. Le résultat est d’ailleurs plutôt probant est devrait violemment combler les amateurs des productions du réalisateur américain : la même veine adrénalisante pour manier le thriller ; une violence boulimique mais stylisée et une propension à faire du bavardage le véritable moteur de l’action. Idem pour le rythme, trouvé à tempo correct en jouant malicieusement avec la structure du récit. Découpée en (ab)usant du flashback – et du flashforward – comme d’une bonne veille pédale d’accélérateur, l’intrigue entretient malgré tout le suspens… même si on comprend bien vite comment la partie va se jouer. C’est d’ailleurs le seul regret à opposer à ce colossal boulot de presque 200 pages : une trame classique et finalement sans surprise, bien que maniée avec style pour gifler le chaland. La partie graphique est séduisante. Fortement contrastée, bannissant la lumière naturelle et nourrie de bichromies, elle fait le choix du cadrage rapproché pour tenter de construire et circonscrire (pour pallier les carences du scénario ?) la psychologie des personnages. En résulte un joli marqueur d’atmosphère (oscillant entre violence et tension), parfois un peu statique, mais plutôt convaincant. Bref, un ensemble sur le fond pas des plus originaux, mais traité avec un certain brio.