L'histoire :
Une jeune femme étendue nue sur un lit, têtes bêches avec un jeune homme, son compagnon. Elle est jolie, a de petits seins, le gauche a un piercing. Des petits crabes, de toutes les couleurs, s’avancent et envahissent le corps de la jeune, jusqu’à encercler et recouvrir son sein gauche. Elisabeth se réveille dans une chambre d’hôpital. Elle n’a plus de cheveux et une large cicatrice balafre sa poitrine. Son sein gauche a disparu, le petit anneau qui allait avec aussi. Elle hurle de désespoir, se débat dans sa chambre, jusqu’à ce qu’un médecin vienne lui rapporter ce qu’il lui avait enlevé. Son compagnon lui, est sous le choc, et lorsqu’elle rentre enfin à la maison et qu’elle veut reprendre une vie normale, lui n’arrive plus à la regarder. C’est fini entre eux, au plus mauvais moment. C’est d’autant pire qu’Elisabeth va perdre son job, à cause de la perte de son sein. La vie est en train de sacrément s’occuper d’elle, et le vent joue avec sa dignité, sa perruque s’envole et elle court derrière, par dessus les toits, jusqu’à une péniche dans laquelle sa vie va basculer…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Avec un titre pareil, on a failli passer à côté. Erreur grave, comme disait Coluche. Parce que le jeu de mot a du sens, et qu’on n’est pas ici dans la grivoiserie, mais la fantaisie la plus belle et la plus drôle, celle qui parle des choses tristes de la vie. Cancer donc. Du sein, attribut féminin prépondérant. Façade, non, mieux, balcon de la féminité. Et comme si le cancer (et la calvitie qui va avec) ne suffisait pas, l’héroïne se tape donc un mec qui n’assume pas et finit par se faire éjecter, une patronne qui la vire parce qu’elle a perdu un sein. Son préféré encore, celui avec le piercing. La loose totale. Et puis sa vie va basculer. Dans une séquence particulièrement ridicule et pathétique (mais comme c’est fait exprès, c’est juste magique), la jeune femme va courir, sauter, voler après sa perruque récalcitrante et se retrouver chez des freaks qui assument parfaitement leur différence. Revue burlesque donc, kitsch au possible, avec force déguisement et second degré. Ce qui lui fallait, à la Betty, qui va donc devenir Betty Boob (néné), sans « s » bien entendu… Véronique Cazot arrive à aborder un sujet grave et douloureux par le côté. Un humour décalé et poétique qui fait mouche : le lecteur rit et rêve au rythme des déboires de la jeune femme, puis de sa reprise en main. L’histoire est sans paroles, sans phylactère ni récitatif, juste, comme dans les vieux films muets, une page noire avec un ou deux dialogues de temps en temps, ce qui permet d’apprécier le magnifique travail de Julie Rocheleau (déjà au top avec La colère de Fantômas), avec des cases en deux ou trois couleurs, pastel et une extraordinaire variété de plans qui permettent au lecteur de s’immerger complètement dans l’histoire. On referme le livre avec un petit sourire mélancolique, à la fois rassuré et conscient que la vie doit triompher, malgré tout. Magique.