L'histoire :
Il y a plusieurs années, Ousmane a quitté son Afrique tribale pour venir travailler sur des chantiers de constructions français. Aujourd’hui, afin de nourrir sa famille, il est revenu à Paris. Il y cherche un logement et une embauche… hélas, la société a bien changé. Pas très loin, Madame Ly fait tourner le resto chinois de son époux, hospitalisé. Elle s’occupe aussi des enfants à amener à l’école et s’inquiète de la traduction approximative de la carte du menu. Dans ce sens, elle a enfin décidé d’apprendre le français et de s’« intégrer ». Khadija, quant à elle, encadre des enfants dans une école maternelle. Au quotidien, elle s’efforce – non sans mal – à expliquer à ses ouailles ce que ça signifie d’« être français », et notamment que cela n’a rien à voir avec la couleur de la peau. Elle est surtout révoltée contre les mentalités racistes actuelles et les incessants contrôles d’identité. Juif traditionaliste, Hillel gagne sa vie en livrant des plateaux sushi. Il est un peu niais et rétrograde, au point de regarder encore de vieilles VHS enregistrées dans les années 80. Enfin, Zaïm est un caïd à qui un narcotrafiquant confie la reprise du deal de shit sur le quartier de Crimée (nord-est parisien). Première étape : se faire accepter par l’équipe en tant que nouveau « manager ». Deuxième étape : conquérir de nouveaux territoires… quitte à affronter la concurrence. Dans ce contexte, au commissariat central du 19ème arrondissement, les flics reçoivent de nouvelles directives ministérielles : il faut faire « du chiffre » dans la répression de la délinquance…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Avec cet épais roman graphique de plus de 160 planches en noir et blanc, Viravong retrace les destins fictifs et entrecroisés de 5 personnages « issus de la diversité », au sein d’un même quartier parisien (Crimée). Les récents débats autour de l’identité nationale et autres traques aux sans-papiers ont, semble-t-il, suscité bien des inspirations… Ousmane l’africain, Hillel le juif, Mme Ly la chinoise, Zaïm le caïd et Khadija la maghrébine se débattent ici avec leur droit du sol (ou pas), leur intégration et les aléas pesants de notre société finalement toujours ségrégationniste. L’intention est bonne, l’approche également… L’ouvrage pèche peut-être un tantinet sur son final que – paradoxalement – on aurait espéré moins ouvert. En fait, il ne semble pas difficile de communiquer de l’empathie pour les immigrés brisés par notre administration et nos mentalités françaises. Du reste, la chronique sociale urbaine est immersive quand elle prend la forme d’un récit chorale sur les 120 premières pages. Cette longue séquence de mise en place alterne intelligemment les tranches de vies de ces 5 représentants des « minorités ethniques », des destinées tourmentées et auxquelles on s’attache immédiatement. Même le caïd trafiquant et mafieux parait sympathique, en raison de son culot et de son bagou ! En revanche, dès que tout ce petit monde se retrouve regroupé et percuté de plein fouet par l’autorité (dans la boutique d’un hindou !), le bazar qui s’ensuit (c’est le nom du chapitre) tourne au rocambolesque. Les réactions y perdent de leur réalisme, l’intention de l’auteur devient au mieux facile, au pire confuse… et le final fait pschitt. Plus intéressant aurait été un message d’avenir constructif, mais sans doute ce vide constitue-t-il justement le nœud de la problématique….
