L'histoire :
Assis sur une chaise, perchée sur une table, au balcon d’un appartement ravagé par la guerre, un sniper fume clope sur clope, son fusil à lunette à portée de main. Il attend qu’une cible vienne à passer, si possible un enfant, car derrière un enfant, il y a généralement un adulte éploré qui accourt : double jackpot ! En revanche, que le brouillard vienne à e lever et la journée est fichue… Mais le brouillard n’est pas l’ennemi de tout le monde. Alija et Radko, étaient deux employés de banque avant la guerre. Dès lors que les premiers obus sont tombés sur la ville, tout le monde a oublié ce fourgon blindé, rempli de titres au porteur, de lingots et de devises diverses, garé dans le parking de leur établissement. Tout le monde, sauf eux ! Et ce brouillard qui se lève est l’occasion rêvée d’une opération de récupération. Pour ce faire, ils ont eu l’idée de maquiller le véhicule en fourgon de l’ONU : rien de plus simple à faire, une crois rouge, avec du ruban adhésif, et personne n’emmerde une ambulance des nations unis. Au même moment, à quelques lieues de là, les militaires en faction à l’intérieur d’un char de l’armée, attendent leurs ordres…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
On ne le découvre qu’au fil de la lecture : l’histoire se passe en ex-Yougoslavie, à l’époque où la ville était transformée en champ de bataille déshumanisé. Des planches en noir et blanc, aux encrages très prononcés, sur des cadrages assurément artistiques mais pas forcément très identifiables, nous donnent à suivre 4 groupes de protagonistes. Numéro 1, un sniper, au dixième étage d’un immeuble, collectionne brutalement les cartons. Numéro 2, deux petits malins vont tenter de piquer un camion blindé plein de thunes. Numéro trois, des militaires jouent aux cartes en attendant leurs ordres. Numéro 4, au milieu de tous, une mère pleure et serre dans ses bras son fils, qui vient d’être shooté. Le temps de présenter ces contextes distincts et l’instant d’après, c’est le climax où les motivations de chacun se rejoignent… et le récit est déjà terminé ! Il s’agissait d’une photographie de la guerre, de ce que l’humanité sait produire de pire, au sein de laquelle le brouillard sert de métaphore à une entropie désillusionnée. Le jeune artiste Gabriel Germain, dont c’est ici la première BD, fait ici une transposition graphique d’un récit on ne peut plus « noir » de Jean-Hugues Oppel... que le manque de lisibilité ne sert que moyennement. Le parti-pris des encrages très prononcés, à la manière de certains comics américains, ne permet notamment pas d’identifier les personnages. Néanmoins, les aspects les plus abjects de l’humanité sont parfaitement mis en valeur, et c’est sans doute là l’objectif du propos. Dans la foulée de cette histoire, et comme pour compléter cette édition qui se lit très vite, une seconde nouvelle d’Oppel est adaptée, 58 minutes pour mourir (en référence inversée du film francisé Die hard 2). Sur le même mode graphique tourmenté et acéré, dans un climat de tension tout aussi atroce, il expose la mécanique ignoble d’un attentat à la bombe « prometteur », au sein d’un aéroport. En un mot : noir !