L'histoire :
1894. Parce qu’elle est la fille du maquignon qui fournit la famille Churchill en chevaux, la jeune Clémentine Harper a reçu l’autorisation exceptionnelle de participer à un concours équestre dans le parc du château de Blenheim. A l’issu de l’évènement, le jeune Winston la félicite pour ses talents… et elle en tombe éperdument amoureuse. Elle sait pourtant que sa condition de roturière ne lui donnera sans doute jamais plus l’occasion d’approcher ce jeune homme promis à une brillante carrière militaire et politique. Mais dès lors, elle n’aura de cesse de s’élever dans la société britannique pour tenter de se distinguer à ses yeux. Car Clémentine a de la ressource. Eduquée par son père à chasser, conduire des attelages et même des automobiles, elle a aussi reçu une éducation « féministe » de la part de sa tante Eleanor. Et puisque « Winnie » (surnom de Churchill) publie des articles dans la Gazette de Westminster, l’idée de Clémentine est de devenir à son tour chroniqueuse, bien que cette fonction ne soit pas communément admise pour une femme. Pour duper ses lecteurs quant à son genre, elle propose de signer « Clem Harper ». Elle postule ainsi au Morning Standard, et son culot séduit le rédacteur en chef, qui lui donne sa chance…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Sous prétexte de parler de Churchill – le patronyme dans le titre et le cigare en couverture sont des balises fortes, mais de fausses pistes – Frank Giroud scénarise avant tout la chronique fictive d’une journaliste féministe dans la société anglaise de la fin XIXème. Rappelons que le Royaume britannique a été parmi les premières nations à permettre le droit de vote aux femmes : les suffragettes en 1918 à 30 ans, puis en 1928 à 21 ans (en France, il faudra attendre 1944 !). Mais à l’époque de cette histoire, qui débute en 1894, cela restait une utopie pour une poignée de modernistes. L’héroïne Clémentine Harper confie tout d’abord au lecteur son amour transi et vain pour le jeune noble Winston Churchill. Elle se présente comme une roturière éduquée et volontaire, à fort caractère. Pour approcher son rêve de séduction, il lui faudra se « battre » à la force de ses idées, et apporter des preuves de son incroyable opiniâtreté, notamment en se réalisant via des reportages infiltrés à hauts risques. Et à défaut de concrétiser avec Churchill – un personnage plus que secondaire, finalement – elle parviendra à se faire respecter en tant que chroniqueuse. L’artiste italien Andrea Cucchi plante ce parcours initiatique à l’aide d’un dessin réaliste fortement encré, sur près de 100 planches, dans une reconstitution d’époque admirable à tous points de vue. La high society so british, l’immersion en hôpital psychiatrique, la guerre des boers… Les auteurs nous convoquent véritablement à une reconstitution immersive sur plusieurs fronts, sensée, didactique, une fresque historique et sociale riche et rare. Sans nul doute, cet ouvrage concourra pour le prochain Prix Artemisia avec de bonnes chances d’être primé.