L'histoire :
Il sort de tôle aujourd’hui. La Buick bleu-ciel volée qui l’attend devant la prison, conduite par son père, lui réserve une pute pour cadeau. Sur le chemin qui le transporte au Motel, la jeune femme l’abrutit de ses idées loufoques de scénario pour le cinéma. Qu’elle exploite un jour ou non ce talent, il s’en contrefiche, mais le simple contact de son genou contre le sien lui rappelle qu’il attend depuis 4 ans de serrer Gwen contre lui. Dans la chambre, la brune est intarissable : plus habile pour la parlote futile que pour faire le boulot attendu. Il la vire sans attendre qu’elle le saoule définitivement et le goût de la langue de Gwen lui manque terriblement… Le lendemain, c’est son père qui le réveille en lui indiquant que la future scénariste du tout Hollywood a « fini le boulot » dans son lit et puis qu’il l’a raccompagnée chez elle. Une affirmation qui n’a pas l’air de convaincre le fiston : les gens ont une fâcheuse tendance à disparaitre au contact du papa. Ensuite, tous deux reprennent la Buick : le paternel aimerait tellement que son fiston se souvienne de ce qu’il a fait d’un gros caillou, avant de se faire serrer par les flics. Le problème c’est que la balle qui lui a percuté le crâne avant son arrestation, a par là-même effacé quelques souvenirs importants. Pas celui de sa belle complice Gwen, en tous cas, que son père prétend partie sans laisser d’adresse depuis 3 ans. Mais un fils peut-il croire un menteur né ?
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Après Christian De Metter pour Shutter Island, c’est au tour de Loustal de s’attaquer à une œuvre de Dennis Lehanne au sein de l’excellente collection Rivages/Noir. Le premier avait relevé le gant de l’adaptation d’un pavé noir et tortueux ; le second s’offre un récit court pour défi. C’est précisément dans Avant Gwen, une des 4 nouvelles du recueil Coronado, que le dessinateur décide de nous plonger. Bien qu’à l’origine plus courte, l’histoire de ce père et de ce fils, qui semblent vouloir régler de vieux comptes, emprunte des thématiques chères à l’auteur américain : amours, culpabilité, remords et vengeance rythment ainsi, avec rigueur, une intrigue dont l’atout principal reste la tension psychologique grandissante qu’elle crée. En effet, le fond de l’histoire est somme toute assez classique et la conclusion attendue. Cependant, la narration non linéaire est judicieuse, le style littéraire et les dialogues de véritables têtes de ponts pour une bonne adaptation. D’ailleurs, utilisant cet excellent terreau, Loustal n’a pas à forcer ses talents de metteur en scène pour livrer un travail qu’on sent nourri de cinéma. Laissant la voix-off diriger le récit, maitrisant parfaitement le découpage, distillant deux cases par planches, il nous offre du temps. Celui d’apprécier le style unique du romancier, celui de profiter d’un graphisme proche des meilleurs tableaux, celui de savourer un polar sombre et intelligemment ficelé. Une belle rencontre qui démontre, une nouvelle fois, que le polar noir a plus que jamais sa place en BD.
