L'histoire :
En 1846, l'expédition Donner vers la Californie tourne au cauchemar. La décision de prendre un mauvais raccourci et les conditions climatiques épouvantables empêchent le convoi de passer un col de la Sierra Nevada. Les colons vers l'Ouest sont obligés d'établir un campement d'hiver au bord du lac Truckee... mais ils n'ont quasiment aucune ressource et sont promis à une mort lente. Un groupe de 8 courageux décide d'aller chercher les secours, après avoir fabriqué des raquettes pour marcher dans la neige. Malgré leur lente évolution, ils franchissent la passe. Mais après 5 jours de marche, la réverbération a rendu leur guide Stanton aveugle. Devenu un poids pour le groupe il s'assoit dans la neige, s'allume un cigare et demande à ce qu'on l'abandonne. C'est un déchirement pour la jeune Mary Graves, qui en était amoureuse... mais ainsi fut fait. Quelques heures plus tard, une vigoureuse tempête s'abat sur les 7 rescapés, qui trouvent refuge dans une grotte. Mais la tempête dure des jours, des semaines... Le groupe se nourrit en mangeant des lanières de cuir, mais les forces abandonnent chacun d'eux. La décision est prise de tirer au sort celui qui sera abattu pour servir de nourriture aux autres. Le sort désigne le jeune et serviable Patrick Dolan, qui accepte la sentence. Mais le père de Mary n'a pas la force mentale de tuer son ami. C'est donc Mary qui s'en charge...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Sur un scénario signé Christophe Bec, le diptyque Death Mountains retrace l'une des plus terribles pages de la conquête de l'Ouest américain : le « Donner Party ». Le premier tome avait explicité les conditions d'une expédition authentique qui tourne à la catastrophe : un mauvais choix de route, une météo pourritissime et des querelles intrinsèques au groupe (le bannissement de Reed suite à son acte meurtrier). Ce second tome amplifie d'emblée la tragédie, qui conduisit certains membres du groupe à se sacrifier pour nourrir les autres. Le cannibalisme imposé pour survivre est sans doute un paroxysme de l'horreur. Logiquement, vue la décrépitude des acteurs, la narration se fait plus visuelle dans ce tome 2 et repose majoritairement sur les encrages dynamiques de Daniel Brecht. Patiemment et froidement – c'est le mot, vu la tempête de neige, sans doute la pire du siècle – les auteurs mettent en scène l'abomination, l'aboutissement du voyage et les différentes expéditions de sauvetage. La majorité des personnages et des anecdotes relatées sont authentiques (par exemple, le guide retrouvé gelé le cigare à la bouche, l'obsession de Reed pour sauver les siens...), bien que partiellement romancés. En marge d'étayer notre culture sur une étape de l'Histoire américaine, Bec conclut en rendant un sens moral nécessaire – à défaut d'être psychologiquement acceptable – à l'horreur ultime : la survie prime, qu'importent les moyens.