L'histoire :
Paul le tétraplégique et Pierre l'aveugle se rendent service mutuellement : Paul décide, dirige, ordonne tandis que Pierre marche pour deux avec Paul sur son dos. Paul est le petit teigneux et Pierre le grand gentil un peu benêt. Ce qu'ils font le mieux à deux, c'est la chasse aux pigeons, à l'arc ou au lance-pierres, au choix (faut bien se nourrir) : Pierre tire et Paul l'aide à viser ces charmantes petites bêtes. Ils traînent sur les chemins, sans donner l'impression d'avoir la moindre envie de changer quoi que ce soit. À la suite d'une chasse aux pigeons particulièrement fructueuse dans un parc municipal, la police leur fait des misères. Pierre est blessé, et après une nuit au poste, nos deux compères sont recueillis chez une bien brave dame dont la fille cumule tétraplégie et cécité. Au début, le séjour a le mérite de leur apporter lit et couvert. Pierre, même s'il ne se l'avoue pas, est un peu soulagé de ne plus avoir son compagnon sur le dos ! Mais la cage a beau être dorée, la maison de Madame Casablanca et de sa fille devient une prison d'où il faut s'enfuir. La tentative d'évasion réussit mais les sépare... Comment s'en tirent-ils l'un sans l'autre ?
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Au début, on a peur que tout tourne mal au grès de l’errance de ces personnages hors norme et pourtant très attachants. Mais François Ayroles sait changer de cap lorsqu'il est sur la corde raide et qu'il risque de perdre le lecteur, sur une trame carrément morbide. Découvrir ces deux personnages franchement pas gâtés par la nature n'est pas chose facile, d'autant plus que le caractère de Paul n'est pas loin d'être insupportable. En outre, leur rencontre avec la fille de Madame Casablanca n'est pas faite pour nous rassurer... La construction du scénario est également déroutante, faite pour coller à ces personnages complètement improbables. La structure de l'album est à leur image. Un peu saugrenue, l'histoire se laisse porter par les pages qui se tournent… le lecteur est simplement témoin d'une tranche de vie de Pierre et Paul. On ne peut pas prévoir grand chose, et c'est tant mieux. Car tout cela fonctionne plutôt bien ! Le plus étonnant est la cohérence qu'inspire cet album, porté par le graphisme adéquat : un dessin au trait épais, tout en noir et blanc, puissant mais parfois un peu chargé, dans la plus pure veine des auteurs de L'Association.