L'histoire :
Tchétchénie, mars 1998. Une jeune femme, Katerina, attend dans une gare routière. Fatiguée après un long voyage inconfortable depuis Berlin, elle téléphone à un interlocuteur pour l’informer qu’ils sont arrivés à la frontière, mais qu’ils devront encore patienter deux heures avant de repartir. Lorsque le bus reprend la route, elle observe d’un regard froid le drapeau russe flottant au vent, les soldats postés et un char stationné non loin. Le chauffeur la prévient : elle devra descendre et continuer à pied. Valise en main, elle traverse un paysage désolé : maisons éventrées, absence totale de vie. L’atmosphère pèse sur elle, une sensation qui s’amplifie lorsqu’elle arrive à un village en ruines. Elle se laisse envahir par l’émotion, troublée par cette vision d’anéantissement. Soudain, un bruit. Elle retrouve Sacha. Ils se prennent dans les bras, soulagés après tout ce temps. « Ça fait combien de temps ? » demande-t-elle, heureuse mais impatiente d’avoir des réponses. Aussitôt, la question surgit : « Est-ce que tu sais où est Katya ? ». Un silence. Puis Sacha raconte. L’attaque, les chars, le sang. Les hommes exécutés, les femmes enlevées. L’horreur s’est abattue sur le village, ne laissant derrière elle qu’un territoire mutilé et des vies brisées...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Alors que la guerre est aux portes de l’Europe, Katya nous entraîne dans une quête déchirante, portée par une douleur universelle : celle d’une mère cherchant son enfant dans le chaos d’un monde en ruines. Katerina parcourt une Tchétchénie dévastée, où les corps et les âmes portent les stigmates du conflit. Son voyage n’est pas seulement une course contre le temps. C’est une plongée dans un abîme où chaque rencontre, chaque fragment d’information la rapproche autant de la vérité que de l’horreur. Antoine Schiffers, en auteur complet, mêle récit intime et fresque historique avec une justesse saisissante. Son trait brut et expressif, allié à une narration qui prend son temps pour capter l’essence du drame, installe une tension qui ne faiblit jamais. Il n’embellit rien, ne cherche ni le spectaculaire ni la démonstration. Mais il donne à voir, à ressentir, à comprendre. Il s’attarde sur les silences, les regards, ces détails anodins qui, sous son pinceau, deviennent des éclats de vérité. À travers cette errance, Katya dépasse le cadre de la guerre tchétchène pour toucher à l’universel. Ce qui se joue ici pourrait avoir lieu ailleurs : en Ukraine, en Syrie, ou dans n’importe quel pays où la guerre broie les vies. La dévastation qui envahit les cases rappelle celle de La Route de Larcenet, adaptée du roman de McCarthy. Même grisaille, même sensation d’anéantissement total. Mais Katya ne se limite pas à la désolation : dans ce chaos, il reste des bribes d’humanité, des mains tendues, des âmes en sursis. Un récit bouleversant, qui résonne longtemps après avoir tourné la dernière page.