L'histoire :
L’aigle a commencé à fêter ses deux mois d’existence en poussant son frère du nid. Ainsi, il n’est plus obligé de partager la sollicitude de ses parents. Après avoir englouti le dernier lièvre amené par sa mère, il s’endort heureux : il aime le goût du sang. A son réveil, ses parents ne sont toujours pas revenus et la solitude commence à se faire sentir. Il vit dans une caverne dont l’entrée est masquée par une chute d’eau. Il sait à peine voler. Il va pourtant falloir sortir pour se nourrir. Yuma, un jeune peau-rouge, parcourt la vallée perdue à cheval, en compagnie de son grand-père. Yuma ne peut s’empêcher de remarquer que l’aiglon a quitté le nid. Puisque ses parents ne s’occupent plus de lui, ils sont probablement morts. Yuma décide donc de l’aider, en chassant quelques castors pour le nourrir. Plus bas, dans la vallée, le paysage est en pleine mutation. Le Malaskar, pays coincé entre l’Alaska et la Sibérie, a connu un changement climatique important ces dernières années, en raison d’éruptions volcaniques souterraines de grande ampleur. Depuis que le sol s’est dégelé en profondeur, on vient de partout pour exploiter les richesses du sous-sol : des minerais, de l’or, des diamants, du gaz… Sous l’impulsion de l’entrepreneur William Klondike, sa ville Klontown, encore constituée de baraquements, accueille chaque jour des centaines d’émigrants qui lui promettent un futur avenir de mégapole…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
En marge de son légendaire Canardo, avec Paradise et surtout depuis son expérience dans le jeu vidéo l’Amerzone, Sokal s’est spécialisé dans les contrées imaginaires. Par le biais de ces nouveaux territoires, il laisse l’âme humaine dévoiler à la fois ses plus purs et ses plus noirs desseins. L’auteur plante cette fois-ci son décor intemporel dans une réserve indienne, quelque part dans le grand nord, où le dégel subit aurait provoqué une vague de démence guidée par l’appât du gain, qui encourage les crimes les plus odieux. Deux héros nous emmènent dans l’aventure : un aigle et un enfant, qui entretiennent un lien télépathique ambigüe. Le jeune garçon est bon et attentionné. L’aigle est un tueur égoïste qui pense avant tout à sa survie et à son confort. Le contexte est hostile, puis carrément dangereux et la paire doit apprendre à se défendre de la haine des hommes blancs venus pour piller la vallée. Sokal se lance donc un nouveau défi. Graphiquement, il abandonne la ligne claire de ses autres séries pour un crayonné sombre mais précis, rehaussé de couleurs directes aux teintes éteintes. Le coloriage obscur, aux nuances sanglantes, dégage une atmosphère pesante, que seuls les paysages envoûtants de la vallée parviennent à alléger. Il est surprenant de voir à quel point le tout fonctionne et comment cette trame scénaristique se développe sans heurt, utilisant de façon savamment dosé le texte et l’image. Assurément, le premier tome de ce diptyque impressionne et augure un véritable petit chef d’œuvre.