L'histoire :
Emprisonné 7 ans pour avoir hébergé un terroriste qu’il ne connait pas, le chanteur de blues Marco Buratti profite de ses années de taule pour se forger une réputation de médiateur et se créer un nom dans le milieu : l’Alligator. A sa sortie, il s’installe comme détective privé et s’adjoint les compétences de deux comparses, eux aussi d’anciens taulards : le révolutionnaire Max-la-Mémoire et le flingueur Beniamino Rossini. Tous trois fonctionnent comme un seul homme, sans licence, selon un code d’honneur un peu désuet mais efficace. Ce jour-là, ils se rendent dans un bar de Cagliari en Sardaigne, pour rencontrer leur nouveau client. Beppe Sainas, restaurateur friqué et désagréable, leur demande de lui ramener sa femme, Joanna, qui a disparue il y a un mois et « qui ressemble à une chanteuse connue ». Le trio s’interroge sur le bien-fondé de ce contrat : leurs règles réprouvent de la ramener contre son gré. Mais Sainas les rassure : sitôt retrouvée, elle les suivra sans contrainte. Remontant le fil de leur enquête, ils partent donc pour Paris, où Joanna est devenue chanteuse dans un bar. Ils attendent la fin d’une de ses prestations et la prennent en filature…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Après avoir adapté un de ses romans en BD (Arrivederci amore) avec un résultat mi-figue mi-raisin, le romancier Massimo Carlotto a cette fois-ci écrit un scénario directement pour la BD, et plus précisément pour le dessinateur Igort. Si le personnage de détective l’Alligator est récurrent dans ses œuvres, l’enquête one-shot qu’il mène ici est originale et très emballante, pour peu que vous appréciez les polars noirs. Droit au but, le scénariste/romancier ne décrit que le nécessaire et ne se perd jamais en route. Il s’affranchit d’ailleurs de l’habituelle pénible séquence d’introduction : les 3 héros nous sont chacun présentés d’emblée à l’aide d’une fiche caractéristique. Par la suite, il reste avare en digressions et en descriptions facultatives, préférant laisser jouer Igort avec les ambiances, à l’aide d’un style graphique inédit et diablement efficace. Un simple crayonné, élégant, uniquement renforcé par des ombrages bleus clairs. C’est un peu austère, mais ça a le mérite de coller à la perfection au genre hard-boiled, qui ne l’est pas moins. Si l’action se déroule de nos jours, l’atmosphère fait hommage au polar noir des années 70 (les films avec Lino Ventura). D’ailleurs, tout nous ramène à cette époque, de leurs tenues vestimentaires, à la musique qu’ils écoutent, en passant leurs idéaux révolutionnaires ou le « bushido » (code d’honneur), totalement désuets. Côté rebondissement, ça n’est jamais spectaculaire, juste idéalement tendu et délicatement rendu. L’originalité de l’album ne découle pas de l’enquête en elle-même, relativement standard, mais bel et bien de la vision de la vie de ce trio d’un autre temps. Une jolie surprise…