L'histoire :
Un jour comme les autres de 1977, le jeune sexagénaire bedonnant Mr Martin fait sa toilette et boit un coup de gnole avant d’aller petit-déjeuner en famille. Son fils lui réclame de l’argent pour pouvoir passer son permis de conduire. Sa femme râle. Puis il se rend à l’institut médico-légal de Bonn, où il travaille en tant qu’expert, assistant le médecin légiste. Aujourd’hui, sur la table d’autopsie, c’est un jeune gars retrouvé mort dans son lit par son colocataire. Martin n’est pas légiste, mais en tant qu’expert, il commence à bien connaître le job. Il reconnait ce que l’analyse confirmera : un œdème pulmonaire provoqué par empoisonnement. Plus tard, tandis qu’il développe lui-même les précieux clichés de l’autopsie, il a des réminiscences de souvenirs de son passé militaire au sein de la Wehrmacht. Le médecin légiste en chef lui réclame quelques heures sup’ pour agrandir d’autres clichés… et Martin arrivera hélas après l’heure de fermeture à la banque, pour rapporter l’argent du fiston. Il s’arrête pour acheter un paquet de cigarettes dans un débit de boisson. Des copains l’alpaguent alors pour qu’il fasse le 4ème à une belotte. Martin n’a pas trop le choix… Les gars commandent 4 pintes. Puis 4 autres pintes… De son côté, la jeune Miriam cherche une solution pour faire garder son fils Marek, afin de pouvoir participer le soir venu à une action militante d’extrême gauche. Hélas, tous ses amis habituels ont un empêchement…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Née en 1988, l’allemande Jennifer Daniel n’a pas connue l’époque qu’elle décrit tout de même fort bien. Ce « polar social » se déroule en effet à Bonn, alors capitale de la RFA en 1977, soit 32 ans après la capitulation de l’Allemagne nazie. Son héros Mr Martin est un Expert légiste : il fait des photos des autopsies, mais n’est pas médecin. Il fait son métier avec méticulosité et honnêteté, mais il trimballe sa part de péchés : il fume, il boit, il joue aux cartes, il n’est que très moyennement attentif aux besoins familiaux et il culpabilise toujours d’avoir servi dans la Wehrmacht durant la guerre. Mais ce dernier sujet se montre surtout métaphorique : Martin se retrouve en effet lié à un accident mortel… mais ses souvenirs sont nébuleux, noyés dans l’alcool. Sa culpabilité imprécise et « malgré lui » le replace face à ses responsabilités de professionnel et son impérieuse nécessité de remettre les choses en ordre. L’autre sujet est celui de la période terroriste de la RAF : dans les années 70, des militants d’extrême gauche ont enlevé et assassiné des icônes du capitalisme (cf La bande à Baader). Jennifer Daniel compose un étonnant thriller avec tout cela, alternant entre la personnalisation et la collectivité de la culpabilité et de la rédemption. Son dessin infographique est à la fois pâteux, économe en décors et très expressif sur les personnages. Réalisé à grands renforts de brosses et de patatoïdes colorés, il est cependant bien séquencé et dialogué, et parvient ainsi à insuffler tension, rythme et profondeur.