L'histoire :
Les hôtels sont faits pour dormir. Ils sont donc inutiles quand le sommeil ne vient pas…C’est à peu prés les pensées qui emplissent le bon Salinero, directeur de l’hôtel Las Violetas à Buenos Aires, lorsqu’il découvre que son nouveau pensionnaire, Don Arenas, passe ses nuits à faire les 100 pas. Ce dernier est un drôle de personnage : peu bavard, froid, mais surtout se produisant en tant qu’hypnotiseur dans un cabaret aux cotés d’une voyante et d’un télépathe. Le succès de ses prestations le fait connaitre un peu partout dans la ville, si bien que bientôt, on vient le rencontrer jusque dans l’hôtel pour tenter de convaincre l’artiste de les hypnotiser. Ainsi, une jeune femme aimerait qu’Arenas l’aide à retrouver l’endroit où se trouve un trésor : elle garde de ses 4 ans, à l’époque où sa mère s’est enfuie, l’image d’un homme à tête d’oiseau qui enterre un magot. Le jour de la représentation, au moment où il s’apprête à exercer ses talents auprès de cette jeune femme, on tire de la salle un coup de feu… Cet événement ne l’empêchera pas de résoudre l’énigme… ni de dormir. Pour ce dernier problème, il a bien d’autres raisons…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
En voilà une qu’on aurait pu ranger dans la catégorie des qui « paye pas de mine », avec au centre de sa couverture un personnage peu engageant, une exposition marketing sommaire et un titre peu ronflant. Pourtant, les deux compères argentins nous assènent ici une petite chose qui, en multipliant les bonnes intentions, en fait une lecture savoureuse. Au premier rang de celles-ci, la volonté de situer le récit dans l’univers d’un hypnotiseur. Affublé d’une profession on ne peut plus atypique, d’abord aussi froid que la profondeur de ses cernes, ce dernier se révèle des plus attachants au fil du récit : une empathie proportionnelle aux révélations peu à peu distillées sur son passé (famille, étude, amours et insomnie…). En second lieu, il y a l’univers secondaire qui barbotte autour de lui. Charpenté par l’architecture de la capitale argentine des années 30, « athmosphérisé » par le cabaret miteux qui accueille notre héros ou sécurisé par le cocon de l’hôtel de famille, il laisse s’ébattre une galerie de protagonistes (au premier rang desquels Salinero, le patron de l’hôtel et son incomparable manière de faire la cour) qui épaississent judicieusement l’affaire. Et si l’énigme de l’insomnie d’Arunas cristallise le mystère en un captivant fil rouge, l’histoire cadencée en chapitre permet au scénario de boucler plusieurs petites intrigues enfouies dans les tréfonds des « patients » du héros : trésor, tableau de maître ou voleur de journée au menu de cet enquêteur endormant. Enfin, le trait original et remarquablement expressif de Pablo de Santis complète le tableau : du scénario à la mise en scène en passant par le graphisme, un exercice de style remarquablement maitrisé. A lire sans plus attendre.